J’étais resté seul trop longtemps. Effrayé, je me sentais réellement en danger. C’était la conséquence d’une banale incompréhension et j’ai vécu cette terrible expérience à l’âge de six ans. Ma famille passait les mois d’été dans notre maison de campagne pour se sauver de la canicule sicilienne. Cette maison est située au sommet d’une colline, aux pieds d’une montagne où se trouve notre deuxième parcelle de terre. Le jour où papa décida de se rendre sur cette parcelle, je l’ai volontiers accompagné.
Papa se promenait toujours avec un gros bâton. C’était un appui nécessaire, pour lui qui souffrait de problèmes respiratoires, mais aussi "pour nous défendre", disait-il en souriant. Pour arriver à notre but, nous étions obligés de passer tout près d’une bergerie où de nombreux chiens montaient la garde. Le bâton de papa fut très utile pour les décourager de nous agresser. Arrivés à notre terrain, je pouvais voir notre maison en contre-bas et j’arrivais même à distinguer ma maman, occupée à faire le ménage.
Reviens s'il te plaît!
Au moment de rentrer, mon papa me dit : « Suis-moi et marche derrière moi ». Malheureusement, à cause de son patois archaïque et d’une petite distraction de ma part, j’ai compris « attends-moi ici un instant ». Sans hésitation, j’ai obéi. L’attente devint vite frustrante. Une question tournait dans mon esprit: Quand revient-il ? Il était parti depuis dix minutes peut-être, mais pour moi, ça semblait si long ! Je me demandais sans arrêt : « tu m’as dit d’attendre seulement un instant, pourquoi tu ne reviens pas ? Reviens, s’il te plaît, car j’en peux plus ! » J’étais malmené par toute sorte de bruits autour de moi, qui alimentaient mon imagination. Désormais, je ne m’attendais au pire : la rencontre avec des monstres. Franchement, je me suis senti sérieusement en danger. Seule consolation et source d’espérance : la maison au loin. Je continuais à la fixer, je la regardais et j’espérais y retourner bientôt.
Paralysé par la crainte
Avec étonnement, j’aperçois au loin mon papa arriver à notre maison et s’adresser à ma maman. Ma peur monte en puissance et le sentiment d’abandon surgit. Je continue à les observer. Ils semblent s’être rendu compte que je ne suis pas rentré avec papa, et ils commencent à m’appeler. Ils me cherchent, ils crient, ils se soucient de moi. Avec les seules forces qu’il me reste, je réponds : « Je suis ici, viens me chercher papa. » Impossible pour moi de parcourir tout seul le chemin jusqu’à la maison. Épuisé et figé par la crainte, je n’arrive pas à bouger. De monstrueux bruits imaginaires s’alliant avec ceux des féroces chiens de la bergerie me paralysent. Je crie plus fort : « Je suis ici, dépêche-toi papa ! »
L’Ascension, un départ accompagné d’une promesse
L’Ascension est la fête chrétienne qui commémore la montée au ciel de Jésus-Christ, quarante jours après sa résurrection. Ses amis les disciples sont bouleversés. Les yeux fixés au ciel, ils assistent à la disparition de Jésus dans les nuées (Actes des Apôtres 1 :10). Jésus avait promis d’être avec eux tous les jours, et pourtant, il s’en va ! Dans l’immédiat, pour éviter tout malentendu et mauvaise interprétation, ils reçoivent la visite de deux anges leur annonçant que l’histoire n’est pas finie : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel. » (Actes des apôtres 1 :11)
Jésus veut éviter que ses disciples agissent sous prétexte d’un malentendu. Il y a une grande différence entre « suis-moi et marche derrière moi » et « attends-moi ici un instant ».
Le message est clair et précis : Jésus reviendra et en attendant, arrêtons de regarder vers le ciel, tournons les regards vers les choses terrestres en accomplissant la mission que Jésus nous a donnée.
Notre attente a du sens !
Les premiers chrétiens ont adhéré à cette affirmation, au point de croire à la proximité du retour de Jésus. L’apôtre Paul écrit aux Thessaloniciens, convaincu qu’il sera présent lors du retour de Jésus : «Nous qui serons encore en vie, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi, nous serons toujours avec le Seigneur» (1 Thessaloniciens 4 :17). Aux Corinthiens, il affirme: « Nous ne mourons pas tous » (1 Corinthiens 15 :51). De son côté, l’apôtre Pierre encourage les chrétiens à donner un sens au temps de l’attente : «Bien-aimés, dans cette attente, faites tous vos efforts pour qu’il vous trouve sans tache et irréprochables dans la paix. » (2 Pierre 3 :14)
Et pourtant, les premiers jours de l’Eglise chrétienne ne seront pas faciles. La persécution, les trahisons, l’apostasie auraient pu stopper leurs progrès, l’accomplissement de leur mission. D’ailleurs, Jésus avait averti ses disciples : « On vous livrera à la persécution et l’on vous fera mourir… » (Matthieu 24 :9-11) Face à cette perceptive si cruelle, Jésus les a aussi rassurés par la promesse de son retour : « Que votre cœur ne se trouble pas ! … Je vais vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi afin que, là où je suis, vous y soyez aussi. » (Jean 14 :1-3)
Un retour assuré
Finalement, le vrai sens de la fête de l’Ascension se décrit par la confiance dans la promesse du retour de Jésus, d’une part, et dans la façon dont les chrétiens s’investissent pendant ce temps de l’attente. Jésus est monté au ciel pour nous préparer une place où nous accueillir, afin d’être toujours ensemble. Il est monté pour redescendre, car il désire être à jamais avec nous. La distance entre la promesse et son accomplissement pourrait nous décourager. Nous pourrions nous sentir abandonnés et en proie à la peur. Cependant, il viendra nous chercher.
Pour revenir à ma mésaventure : J’étais rassuré et réconforté à l’idée de mon prochain retour à la maison. J’ai continué à lutter contre mes craintes, mais j’étais sûr de l’arrivée de mon papa. Pour éviter que le temps qui passe affaiblisse ma foi, je ne cessais pas de fixer des yeux ma maison et de crier : « Je suis ici, viens me chercher papa !». La réponse ne s’est pas fait attendre. De même, Jésus entend nos appels et nos prières, et nous déclare « Oui, je viens bientôt » tandis que nous continuons à prier : « Amen, viens, Seigneur Jésus » (Apocalypse 22 :20)