Margarita Fugger-Heesen, comment vous est venue l’idée du documentaire Dignity ?
Tout a commencé par ma pratique en tant que psychologue et danseuse. J’accompagne de nombreuses femmes et beaucoup d’entre elles m’ont partagé leur vécu d’abus sexuel. J’ai creusé le sujet, je me suis formée dans ce domaine mais à un certain moment, je ne savais plus quoi faire face à ce fléau. Selon les statistiques, une femme sur trois est concernée par une forme d’abus sexuel, un homme sur six et les personnes porteuses de handicap sont dix fois plus exposées que les autres. En résumé, tout le monde a dans son entourage une victime.
Puis un jour, j’ai vu un documentaire sur l’abus sexuel à la RTS. Il était tellement cru et désespérant que je me suis demandé: comment puis-je rejoindre ces femmes qui sont dans la honte, la peur, et isolées ? Ces femmes qui ne viendraient pas à une conférence sur le sujet ? J’ai pensé qu’un film serait une bonne solution, car il entre dans les foyers des gens. J’ai cherché des témoignages de personnes qui - ayant subi un abus d'ordre sexuel - ont pu avancer dans un processus de guérison avec Dieu. L’idée est de donner de l’espoir à d’autres victimes. Que ce documentaire soit une impulsion de vie, afin qu’elles aillent chercher de l’aide. C’est vraiment ainsi qu’elles pourront entrer dans un processus de restauration avec Dieu.
Quelles autres répercussions attendez-vous?
Nous désirons que le documentaire Dignity devienne un outil de prévention dans le milieu chrétien. D’ailleurs, nous sommes en train de préparer des livrets pédagogiques pour accompagner le film. Il est important que l’entourage comprenne mieux ce que vivent les victimes. Mais également que ces dernières comprennent ce qui se passent en elles. La psychologue Sarika Pilet explique bien ces mécanismes dans le documentaire. Mais avant tout, c’est un message d’espoir que nous voulons délivrer: on peut s’en sortir et vivre une vie digne d’être vécue. Il y a ce cadre thérapeutique dont nous avons besoin, mais c’est Dieu qui restaure les cœurs brisés et panse les blessures, comme le dit le Psaume 147, v.3. C’est ce qui nous porte, à l’association Dignity.
Dignity sera-t-il traduit en d’autres langues ?
Il a été traduit et nous avons apposé les voix en allemand et en anglais. Dans un premier temps, des membres de notre association viendront le présenter dans des institutions, Eglises ou événements chrétiens. Car notre priorité est que les personnes cherchant de l’aide puissent trouver des vis-à-vis. Par le biais de la plateforme Dignity, une personne concernée par l’abus peut nous écrire et nous l’aiguillerons vers des partenaires (psychologues, thérapeutes, relation d’aide etc.) selon son canton. Nous voulons aussi continuer à proposer des soirées de prévention. Et j’espère qu’à plus long terme, peut-être dans deux ans, le documentaire sera distribué et accessible à toutes et tous.
La danse a une place importante dans ce documentaire….
Oui, l’art est important car parfois, nous n’arrivons pas à exprimer ce que nous vivons ou ressentons avec des mots. Dans ce film, la danse et l’art Kintsugi (méthode japonaise de réparation de céramiques brisées) permettent de toucher et de libérer des émotions bloquées à l’intérieur.