Jean-René Moret, animateur GBU avec un double master en physique (EPFL) et en théologie (Faculté Jean Calvin à Aix-en-Provence), a ouvert les feux en tentant de répondre à la question : « Qu’est-ce que la science permet de connaître ? » La science est matérialiste par sa méthode et exclut de son champ les causes finales. C’est ce qui a fait son succès et constitue sa limite. Mais elle n’est pas équipée pour dire la finalité du monde ou aborder la question du sens de l’existence. Elle ne peut donc pas se prononcer sur l’existence du « surnaturel » (un terme piégé à mon sens...). Il reste donc une place, aussi légitime qu’indispensable, pour d’autres voies de connaissance, notamment la philosophie et la théologie, avec leurs propres méthodes.
Dieu, comme fondement de la connaissance
Matthias Egg, docteur en philosophie, s’oppose au scepticisme de certains philosophes. Il défend le réalisme scientifique : le succès des sciences montre qu’elles nous permettent de connaître réellement, bien que de manière toujours approximative, la constitution de la nature. Pour ce philosophe, Dieu a donné à l’être humain cette capacité d’acquérir des connaissances fondées. La méfiance anti-science qui anime certains chrétiens n’est donc pas de mise.
Mais qu’est-ce que la connaissance, s’interroge John Haddad, pasteur à Lyon et titulaire d’une maîtrise en philosophie de la religion ? « Une croyance vraie et justifiée », répond-il. Pour lui, le rationalisme matérialiste en vogue, qui réduit la pensée à une activité neuronale, ne peut qu’amener au scepticisme – car alors, qui me dit que mon cerveau est fiable ? Le rationalisme ne peut donc tenir qu’en acceptant l’existence d’une source de connaissance en dehors de l’homme, à savoir une révélation. Pour l’orateur, la clef de la connaissance se trouve en Dieu.
Un détour par la physique quantique
Après ce parcours sur des chemins très philosophiques, le physicien Marc-André Dupertuis, maître d’enseignement et de recherche à l’EPFL, nous a emmenés sur les chemins non moins vertigineux de la physique contemporaine. En particulier avec cette branche fondamentale de la physique au doux nom de « mécanique quantique », essentielle pour comprendre la structure profonde de la matière, et dont les implications ne cessent d’intriguer les chercheurs. Une mécanique révolutionnaire qui naît il y a environ un siècle et qui a été systématiquement confirmée par l’expérience, malgré la difficulté toujours actuelle de son interprétation. Une théorie qui inclut une forme de hasard intrinsèque dans ce qu’on peut connaître de la nature – idée combattue par Einstein et bien d’autres pour des raisons philosophiques, mais que l’expérience a fini par confirmer. Ce qui nous laisse avec une part incompressible d’inconnaissable dans ce que nous pouvons connaître de la nature. Ce parcours d’un siècle montre bien à quel point la question du sens, même si elle est hors du champ de la science, continue à hanter le chercheur.
L’implication du chercheur
Pour conclure, le pasteur-théologien Olivier Keshavjee a défendu l’idée que la neutralité de la science est un mythe. Avec son style et son humour résolument non académiques, il nous a emmenés dans une réflexion nourrie de l’épistémologue Michael Polanyi. Contre l’idée d’une séparation rigoureuse entre recherche objective et foi subjective, il milite pour une implication personnelle du chercheur avec toute sa personne et invite à reconnaître le rôle de la foi dans toute connaissance. Un appel donc à une pratique scientifique passionnée et engagée. Non, la science n’est pas neutre, mais cela n’a pas à faire peur au chrétien ! Pour ce théologien passionné de la communication de l’Evangile, c’est là une occasion de présenter l’Evangile et d’oser en débattre sans crainte dans l’espace public.
Sans doute cette journée nous laissera-t-elle avec autant de questions que de réponses ! C’est là un signe de belle santé de ce réseau, et une invitation aux chrétiens à entrer dans un dialogue réfléchi, serein et constructif avec le monde dans lequel nous vivons et avec les questions de nos contemporains.
Silvain Dupertuis