Les écoles du dimanche sont un peu à la peine

vendredi 28 janvier 2022

La crise sanitaire, ainsi que l’introduction du Certificat Covid, ont secoué les Eglises, mais aussi fragilisé les écoles du dimanche. Les parents sont moins réguliers au culte, soit par choix, soit par obligation. Du coup les enfants sont moins nombreux à l’église… ou plutôt moins réguliers.

 « En moyenne, nous avions une bonne trentaine d’enfants à l’école du dimanche avant la crise sanitaire. Nous n’en avons plus que cinq ou six cet automne », explique une monitrice, dans une Eglise de la FREE. Après un an et demi de restrictions sanitaires, ainsi que la mise en œuvre du Certificat Covid, nombre de communautés – mais pas toutes – on vu leurs effectifs d’enfants et de jeunes diminuer dans des proportions variables. « J’ai l’impression que nous allons connaître des changements, souligne Daniel Rüfenacht, pasteur dans l’Eglise évangélique « Les Marronniers » (FREE), à Rolle. Nous ne reprendrons pas comme avant, ni avec les enfants, ni bien sûr dans l’Eglise. »

L’une des évolutions, constatée dans presque toutes les Eglises, et qui s’était déjà un peu amorcée avant la crise sanitaire, c’est l’augmentation de l’irrégularité : nombre de personnes, et donc de parents et d’enfants, viennent au culte une ou deux fois par mois. « Les gens sont moins réguliers, moins assidus au culte, constate Daniela Bär, pasteure dans l’Eglise évangélique libre de Reconvilier (FREE). Certaines familles ne viennent pas pendant des semaines. Mais elles gardent le contact avec la communauté en envoyant des messages. » « L’irrégularité s’est généralisée et ne concerne pas que les familles, constate Claude Bordigoni, pasteur dans l’Eglise évangélique « L’Oasis », à Morges. Mais l’absentéisme des familles est nettement renforcé lorsque nous ne proposons pas d’activités pour les enfants durant les cultes. » Le pasteur morgien constate en effet que, lorsque son Eglise propose des activités pour les enfants, le succès est au rendez-vous : les enfants et leurs parents sont demandeurs.

La gestion de la pandémie a mis les Eglises et les écoles du dimanche à rude épreuve. Les restrictions successives ont provoqué des ralentissements et des arrêts, des redémarrages et des accélérations, des adaptations et de l’incertitude. « Et, durant ce temps, les enfants ont grandi, relève Daniel Rüfenacht. Ils n’ont plus les mêmes liens hebdomadaires. Du coup, venir à l’école du dimanche n’est plus le truc pour revoir les copains. La pandémie est usante pour tout le monde. »

Une certaine lassitude

« Nous avons manqué de convivialité, et il y a eu de la crainte, souligne Thierry Wirth, pasteur dans les églises évangéliques libres du Locle et de Gorgier (FREE). Même si la volonté d’aller de l’avant est restée, les choses sont plus mouvantes ; la présence et l’engagement des parents sont moins certains. » Une certaine lassitude ambiante pousse plusieurs conseils d’Eglises à réagir, à préparer l’avenir, à chercher les moyens de redynamiser la communauté, tout cela face à un avenir incertain. L’organisation de la fête de Noël sera-t-elle possible cette année ? Et, le cas échéant, dans quelles conditions ?

Quant à l’introduction du Certificat Covid, elle a engendré d’autres questions. Par exemple, à Bienne, l’Eglise évangélique des Ecluses a décidé de ne pas l’exiger, afin de ne pas discriminer les participants. Du coup, la participation au culte a passé de 150 à 50. Chaque dimanche, plusieurs familles sont ainsi contraintes de rester en marge de la communauté. Là où les cultes ont lieu avec le certificat, les personnes qui en sont dépourvues ne peuvent pas venir. Et là où les cultes ont lieu sans certificat, il arrive que des personnes pourtant vaccinées ne viennent pas non plus ; notamment celles qui, travaillant dans les soins, craignent d’attraper et de transmettre le Covid. Tout cela contribue à la marginalisation de bien des familles et de leurs enfants. Les grandes Eglises sont particulièrement touchées par les mesures sanitaires, mais les petites ne sont pas épargnées.

« Maintenir le lien avec les familles distanciées, savoir comment les accompagner, est notre défi actuel », souligne Benjamin Henchoz, pasteur dans l’Eglise évangélique l’Espérance (FREE), à Lancy. Pour le moment, dans plusieurs communautés, la priorité est au dialogue avec les familles, à la reconstitution d’équipe de monitrices et de moniteurs, ainsi qu’au démarrage de nouveaux projets. Ainsi, l’Eglise évangélique libre du Locle organise des sorties et des animations pour les enfants, ainsi qu’un nouveau groupe de catéchisme. Celle de Lancy a démarré un club pour les enfants de la communauté et du quartier. A Reconvilier, le programme est repensé, notamment de manière à favoriser la créativité. A Rolle, l’accueil des enfants est plus particulièrement développé certains dimanches, et accompagné d’une invitation spéciale envoyée aux parents.

Quant aux changements qui marqueront la période « post-Covid », ils sont encore peu perçus. « J’exagère probablement en disant que nous sommes en ‘mode survie’, fait remarquer Daniel Rüfenacht. Mais la priorité actuelle, c’est vraiment de pérenniser les choses. » Il est encore un peu trop tôt pour chercher les contours de l’école du dimanche du futur… mais cela viendra !

Claude-Alain Baehler

  • Encadré 1:

    « Nous sommes dans une situation difficile… mais c’est salutaire »

    L’Eglise évangélique « La Rochette », à Neuchâtel, vient de vivre un culte pour tous les âges, intitulé Famill'Action. Celui-ci a été organisé dans la foulée d’un week-end pour les familles, en septembre dernier. Pour Michel Gentil, pasteur dans la communauté, il s’agit de soigner la relation avec les parents et de redonner du sens aux activités d’Eglise : « Nous avons peut-être trop fonctionné par habitude. Et, lorsqu’elles ont été cassées par le Covid, elles se sont perdues. Nous devons donc nous remettre en question, vivre quelque chose de plus pertinent pour les familles. Il est important que les activités proposées fassent plus de sens. Pourquoi va-t-on à l’église, à l’école du dimanche ? »

    Depuis la rentrée 2021, les famille qui fréquentent habituellement la communauté reviennent, mais de manière irrégulière. Certains dimanches, de manière inattendue, tout le monde est là. D’autres dimanches, seuls six à huit enfants sont présents. « Les famille ne se désintéressent pas de l’Eglise, mais elles prennent des libertés qu’elles ne prenaient pas avant, souligne Michel Gentil. Pour elles, c’est épuisant de se lever le dimanche et de tirer les enfants au culte. J’ai le sentiment que les familles désirent plus de liberté et de calme. » Cela dit, elles sont en demande d’activités qui leur sont destinées, telles que le week-end organisé en septembre dernier, et qui a remporté un grand succès.

    L’irrégularité est aussi ce qui caractérise la participation à la garderie, sans oublier le fait que les moniteurs peinent à s’engager aussi régulièrement que par le passé. Le groupe de jeunes, quant à lui, a connu des hauts et des bas. Mais, dernièrement, un week-end a rassemblé une quinzaine de jeunes. « Il y a des parents qui poussent et une dynamique qui reprend », se réjouit Michel Gentil.

    Soigner les relations

    Durant la pandémie, les relations ont manqué dans l’Eglise, y compris parmi les enfants et leurs familles. Il s’agit donc de combler ce manque, notamment en donnant des occasions aux familles de se rencontrer entre elles, y compris en dehors des activités organisées par la communauté. « Nous devons encore d’avantage soigner les relations, souligne Michel Gentil. Nous avions pris des habitudes et vécu sur des acquis. Les choses fonctionnaient un peu automatiquement. Mais une remise en question est nécessaire. Le Covid nous oblige à nous questionner. »

    Par exemple, la garderie a été transformée en éveil à la petite enfance : un apport spirituel adapté est désormais au programme. Ce changement a découragé quelques monitrices et moniteurs, mais il a motivé les familles. Du coup, les rencontres accueillent beaucoup d’enfants et l’Eglise doit recruter de nouvelles monitrices et de nouveaux moniteurs.

    « On sent qu’on est à un tournant, fait remarquer Michel Gentil. Nous sommes dans une situation difficile, il y a de la souffrance, mais c’est bon et salutaire. En nous secouant, le Covid nous oblige à nous préparer à des années plus difficiles. Dieu utilise ces circonstances pour nous préparer à vivre plus de relations et d’entraide. Il nous équipe sur les plans spirituel et ecclésiastique. »

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