Quel bilan tirez-vous de la semaine de formation « Lomé 3 », qui s’est tenue du 23 au 27 novembre au Togo ?
Nous sommes plutôt satisfaits du bon déroulement de la conférence, malgré les problèmes techniques liés à la connexion internet qui se sont résorbés progressivement. Nous avons passé de bons moments. Les plénières et les ateliers se sont bien déroulés, malgré le contexte sanitaire du covid-19. Nous avons dû limiter la participation des acteurs de la communication à 50, pour respecter les règles de distanciation physique. La connexion internet a permis à des personnes qui n’ont pas pu faire le déplacement de suivre les sessions en direct à partir de chez eux.
Quels sont les grands axes de l’avenir de ce forum ?
Nous avons esquissé quelques perspectives pour l’avenir du FOMECAF, parce que, après Lomé 1, 2 et 3, il fallait s’asseoir pour élaborer des stratégies. C’est pour cela que nous avons pensé que le comité de ce réseau devait se rencontrer plus régulièrement. Nous allons aussi effectuer une séparation entre la formation et le travail du réseau. Nous allons procéder à la délocalisation des rencontres de formation. Il y aura deux rencontres régionales en 2021 : une à Cotonou au Bénin en mars et une autre à Yaoundé au Cameroun en septembre. Cela permettra à ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de prendre part à cette formation d’y participer. C’est aussi une façon de se rapprocher des initiatives locales afin de les encourager. Quand je parle du Bénin, il y a d’autres pays tout autour qui vont prendre part à cette formation : des représentants du Burkina Faso, du Mali, du Togo. Au Cameroun, nous envisageons d’accueillir des représentants d’Afrique centrale, du Gabon, du Tchad, de la République centrafricaine et d’autres pays encore.
Il y a aussi le réseau qui va se retrouver à Lomé en novembre 2021. Il sera renforcé par d’autres personnes expérimentées. Cela permettra à des personnes plus jeunes de prendre des responsabilités et d’assumer la relève. Ce faisant, nous prenons le contrepied de ce que font la plupart des chefs d’Etat de nos régions qui s’éternisent au pouvoir. Nous ne voulons pas aller dans ce sens, mais transmettre le leadership à des jeunes qui vont continuer le programme.
Nous souhaitons aussi amener dans ce comité d’autres compétences : notamment celles de consultants en communication, en anthropologie et en sociologie. Nous souhaitons rassembler ces compétences pour encadrer les jeunes qui viennent de toute l’Afrique francophone et qui travaillent dans les médias. Nous vivons un moment exceptionnel avec le FOMECAF. Il y a tellement d’initiatives médiatiques qui sont en train de voir le jour et qui ont besoin d’un encadrement qu’il faut faire appel à beaucoup de compétences communicationnelles pour vivre notre révolution technologique. C’est pour cela qu’avec cette session nous avons encouragé ces acteurs à s’arrimer à cette nouvelle donne, parce que la communication devient omniprésente et ultra-rapide. Cela appelle à la spécialisation. Il faut des personnes plus expérimentées dans le réseau pour réfléchir, planifier, encourager et encadrer tous ceux que nous avons avec nous.
Quelles sont les nouvelles personnes qui vont rejoindre votre comité ?
Nous avons pensé à Abdoulaye Sangho, le responsable de la sous-région à Trans World Radio. C’est quelqu’un de très expérimenté, qui a suivi beaucoup de formations. Il y a également Illia Djadi de Portes ouvertes, qui a fait ses preuves en matière de communication en travaillant à la BBC. Nous avons aussi demandé au Dr Augustin Ahoga, qui a dispensé lors de Lomé 3 des formations sur le dialogue interreligieux. Compte tenu de ce qui se passe dans nos pays, il nous faut quelqu’un d’expérimenté comme lui. Nous avons aussi Koffi Ahonon, le responsable du Centre international chrétien d’étude, de recherche et d’information (Ciceri) à Lomé, et, dans le même temps, de l’ONG Compassion. Il a été dès le début dans l’organisation des rencontres du FOMECAF et a grandement facilité la mise en place de ces rencontres, notamment en lien avec les autorités locales.
Nous avons voulu également intégrer de nouvelles personnes, plus jeunes, pour favoriser la relève : Dodji Juliette Kpessou, animatrice de la Radio Hosanna au Bénin. Elle a aussi fait ses preuves en recevant l’an dernier le Prix François Sergy. Nous souhaitons encore adjoindre à l’équipe Benjamin Holl qui dirige la Radio Vie nouvelle à Douala… Voilà un peu la configuration du nouveau réseau qui va se mettre en place pour coordonner les activités du FOMECAF.
Il a aussi été question durant cette semaine de l’extrémisme religieux et du rôle des radios évangéliques dans ce contexte-là. Pour vous, que peut faire une radio qui se trouve dans une région où l’extrémisme religieux est en pleine effervescence ?
Les radios chrétiennes sont des outils indispensables pour véhiculer le message de la paix, pour encourager au dialogue entre les différentes religions et ethnies. On a plus de trois cents ethnies en Afrique et il faut vraiment un instrument comme la radio pour communiquer ce message d’amour. La Bible dit qu’il faut aimer son prochain comme soi-même. L’amour du prochain, c’est le message que nous devons prôner à travers nos médias. Cela passe par un plaidoyer pour le vivre ensemble, l’acceptation de l’autre et le refus de tout message radical extrémiste. Actuellement, le média radio est suivi par 70 pour cent de la population africaine. Les auditeurs écoutent à longueur de journée ces radios chrétiennes qui enseignent ce vivre ensemble. Donc il a fallu encourager les acteurs et les former à cette thématique pour diffuser ce message à travers les différents programmes.
Vous vivez au Cameroun. Dans le nord de votre pays, on assiste à l’émergence de cet extrémisme religieux d’origine islamique. Comment est-ce que vos radios sur place tentent de relever ce défi ?
Nous vivons ce problème avec Boko Aram. Ces djihadistes ont détruit non seulement des Eglises, mais des mosquées, parce qu’ils prônent un message plus dur, notamment contre l’éducation européenne. La population est désemparée. Nous avons modifié le contenu de nos programmes à travers nos radios qui diffusent dans cette région. Elles véhiculent un message de paix, encouragent au dialogue interreligieux, et diffusent des programmes adaptés au vivre ensemble, à l’amour, à la paix. Nous faisons même intervenir des personnes aux points de vue religieux antagonistes en direct sur l’antenne…
Vous invitez des musulmans et des chrétiens à dialoguer sur les ondes…
Oui, nous les invitons à se retrouver régulièrement sur la thématique du vivre ensemble ou sur le thème du dialogue interreligieux. Ces émissions passent sur nos antennes, et des rencontres ont aussi lieu en dehors… Nous pensons que cela a de l’impact sur la population qui est en train de comprendre que nous ne devons pas nous entretuer, mais plutôt cohabiter dans la simplicité et dans l’amour, et partager également nos ressources à tous les niveaux.
Propos recueillis par Serge Carrel
Le site du FOMECAF.