La fête de Pâques est un moment incontournable de notre calendrier, dont nous ne percevons souvent que la surface. C’est une pause bienvenue au milieu du printemps, et l’occasion de quelques traditions gentillettes comme la chasse aux œufs ou les lapins en chocolat – au grand bonheur des supermarchés. Pourtant cette fête a un réel message, dont notre société a grand besoin.
Trois composantes du sens de Pâques
Pâques a des origines plurielles, combinant trois éléments : d’une part des symboliques du patrimoine commun de l’humanité autour de la fécondité, du printemps, de la vie qui reprend après la « mort » de l’hiver, d’autre part la Pâque juive qui rappelait la libération des Israélites de l’esclavage en Égypte, et finalement son sens proprement chrétien, centré sur la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
À Pâques, Jésus, Dieu incarné, est mis à mort par les troupes romaines sur dénonciation des autorités religieuses juives. Ses prétentions divines outrageaient en effet les défenseurs de la bonne doctrine, mettaient en doute leur autorité et menaçaient le fragile équilibre des relations avec l’occupant. En cela, Dieu rejoint le rang des victimes de l’injustice, et c’est déjà beaucoup ; l’innocence maltraitée ne souffrira plus jamais seule, puisque le Dieu créateur a partagé son sort.
Dieu montre son indignation
Mais il y a plus ; sur la base d’anciennes prophéties et des propos de Jésus, les premiers chrétiens ont compris que la mort de Jésus revêtait un sens particulier. Il mourait chargé de la culpabilité de l’humanité, pour l’en libérer et lui permettre une vie nouvelle, en relation avec Dieu. Par la mort de Jésus, Dieu démontrait son indignation contre le mal, tellement odieux qu’il mérite la mort, mais il prenait sur lui le châtiment mérité, au lieu de l’exercer sur chacun de nous.
Pâques délivre d’un double danger
La mort de Jésus confirme d’une part combien le mal est mal, combien il est réel et mérite l’indignation, mais donne aussi l’assurance d’un pardon possible pour qui s’en détourne. C’est à mon sens la seule perspective qui permette de ne pas émousser l’indignation contre le mal, de ne pas justifier ou minimiser le mal, sans pour autant être écrasé par la culpabilité. Le pardon est offert, mais parce qu’il a eu un prix, il ne peut en aucun cas servir à légitimer le mal. Par-là, Pâques délivre d’un double danger : celui d’excuser le mal en le banalisant, en abandonnant le combat contre l’injustice, et celui de s’en indigner au point de ne plus laisser de chance au coupable de se relever, qu’il s’agisse de soi ou des autres. Du reste, l’histoire de Pâques se termine avec la résurrection de Jésus, base d’une vie nouvelle, libérée de la culpabilité et animée par l’amour de Dieu – en quoi le sens chrétien de Pâques incorpore et sublime les contenus païens et juifs de la fête.
Pas un mythe !
Pris comme un mythe, Pâques donne ainsi un cadre pour combattre le mal en soi et alentour, sans être brisé par la culpabilité. Mais bien sûr, la prétention qui a animé la foi chrétienne depuis ses origines est qu’il ne s’agit pas d’un mythe, mais d’une réalité qui s’est produite dans les faits, et qui peut changer la vie de chacun.
Jean-René Moret, pasteur dans l’Église évangélique de Cologny (FREE)