Pour Alphonse Teyabe, «30 pour cent de Jésus» sur les radios évangéliques d’Afrique francophone cela suffit!

Serge Carrel mercredi 23 janvier 2019

Il a été l’un des intervenants les plus écoutés du Séminaire de formation des radios évangéliques d’Afrique francophone, du 14 au 18 janvier à Lomé (Togo). Le Camerounais Alphonse Teyabe (prononcer Téyabé) est à la fois pasteur, chercheur et consultant en communication. Auteur du livre « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission », il esquisse ici le rôle que pourrait jouer la centaine de radios évangéliques d’Afrique francophone pour annoncer un Evangile intégral.

Que faites-vous dans le domaine de la radio au nord du Cameroun ?

Depuis 2003, nous y implantons des radios. Actuellement, il y a une dizaine de stations évangéliques. Cette région est une zone enclavée, où il n’y a pas assez de moyens de communication. Cette zone sous-développée est sous l’influence de l’islam. Dans ce contexte, les radios sont un moyen efficace pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile et apporter une contribution au développement de cette région à travers les différentes émissions que nous diffusons.

A partir de votre expérience au nord du Cameroun, quel est l’impact de ces radios confessionnelles évangéliques ?

Ces radios apportent une contribution réelle sur le plan spirituel, dans l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Le message que nous transmettons va au-delà des barrières culturelles et des frontières géographiques. Parfois, des femmes ne parviennent pas à sortir de chez elles pour des raisons religieuses. Le message les rencontre dans leur maison et elles sont édifiées. Ces femmes sont attachées à ces radios et suivent les différentes émissions qui leur apportent de l’épanouissement pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Il y a donc un apport non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan « politique », soit en lien avec la vie de la cité. Nous aidons effectivement l’Etat dans la gestion de la cité par rapport aux problèmes environnementaux, de santé, d’éducation…

Concrètement ?

En 2010, lors d’une épidémie de choléra, par exemple, le gouvernement s’est approché de nous. Voyant notre audience et l’impact que nous avions sur la population – dans le grand nord du Cameroun, la radio Salaaman fait plus d’audience que la radio d’Etat ! – le gouvernement nous a demandé de produire des émissions en lien avec l’épidémie de choléra. Il s’agissait de sensibiliser toutes les couches de la population à cette maladie qui avait commencé à décimer certains villages. Au travers d’émissions spéciales, nous avons fait venir des médecins, des délégués de la santé… En quelques semaines, nous avons pu éradiquer complètement cette maladie de la région.

Diriez-vous que votre radio a été l’instrument no 1 de cette éradication ?

Nous avons contribué à cette éradication, parce que nous y avons mis les moyens. Suite à cela, l’Etat a été obligé de signer un partenariat avec notre radio…

Quand vous dites « obligé », qu’entendez-vous par là ?

Vu le travail que nous faisions sur le terrain et l’impact que nous avions, les représentants de l’Etat n’avaient pas d’autre choix que de passer par nous pour lutter ensemble contre ce fléau. Les gens sont aujourd’hui très sensibilisés à cette question et nous n’avons plus entendu parler de cette maladie. Nous avons continué ce travail dans le domaine de la santé, avec notamment un programme élargi de vaccination contre certaines maladies comme la poliomyélite.

Cette radio confessionnelle a donc bénéficié de fonds de l’Etat pour mener à bien ces campagnes ?

L’Etat a des moyens financiers pour mener à bien de tels programmes. Il a donc investi dans notre radio et contribué ainsi à son financement. On voit également venir d’autres partenaires : des ONG, des maires qui cherchent des appuis pour certaines causes… Dans notre grille de programme, nous avons réservé 30 pour cent du temps à la diffusion d’émissions évangéliques et 70 pour cent à des émissions sociales et de développement. Nous pensons que l’Evangile concerne l’être tout entier : le corps, l’âme et l’esprit. Tous ces aspects doivent être pris en compte. Voilà pourquoi, nous réservons 70 pour cent du temps d’antenne à des programmes de développement : sur l’éducation, la santé, l’agriculture…

Vous essayez aussi de rejoindre les jeunes filles qui quittent précocement l’école… Que faites-vous pour les encourager à poursuivre leur scolarité ?

Nous avons constaté que, dans le grand nord du Cameroun, les filles abandonnent leur scolarité déjà au niveau de l’école primaire, parce que leurs parents les envoient très jeunes en mariage. Cette société privilégie beaucoup plus les garçons que les filles. Plus de 70 pour cent de la population est ainsi analphabète. Il fallait vraiment intervenir et le faire rapidement. Nous avons mis sur pied des émissions pour sensibiliser les parents à ce problème, ainsi que des spots publicitaires. Parfois nous avons envoyé notre personnel sur le terrain rencontrer la population dans les maisons et sensibiliser les parents pour qu’ils envoient les jeunes filles à l’école. Nous avons aussi réalisé des émissions spécifiques d’alphabétisation au niveau des radios.

Quel a été l’impact sur la population ?

Aujourd’hui, nous voyons que davantage de jeunes filles sont scolarisées. Certaines sont même allées à l’université et trouvent de bonnes places de travail. Il y a des filles qui étaient « scotchées » à leur poste de radio. Nous avons donc fait venir des inspecteurs pédagogiques pour compléter les émissions diffusées…

Certaines jeunes filles sont donc derrière leur poste dans leur maison ou dans leur case, et suivent les cours comme à l’école…

Elles suivent ces émissions et, une fois par semaine, nous les regroupons dans un établissement scolaire en partenariat avec cette école pour aller un peu plus loin. Aujourd’hui, on a des filles qui ont passé le CEP, leur BEPC… Il y en a même une qui vient d’avoir son baccalauréat grâce à nos émissions. La mayonnaise a pris et ces émissions touchent même des jeunes filles dans des villages reculés. Cela a un impact réel sur la population et notre objectif est d’apporter notre contribution à la transformation de la société.

Cette répartition entre 30 pour cent d’émissions évangéliques et 70 pour cent d’émissions de développement, est-ce un modèle à suivre par les radios évangéliques d’Afrique francophone ?

A mon sens, il est important que nous partagions notre expérience avec les autres radios d’Afrique francophone. Nous souhaitons inviter tous les acteurs des radios évangéliques francophones à se mettre ensemble et à implémenter ce modèle que nous venons de présenter. Il peut avoir un impact réel dans la population en vue du développement de la cité.

Propos recueillis par Serge Carrel

  • Encadré 1:

    Bio express d’Alphonse Teyabe

    Alphonse Teyabe est pasteur, chercheur et consultant en communication au Cameroun. Il a lancé plusieurs radios dans le nord de ce pays et il accompagne plusieurs radios et TV en Afrique francophone. Alphonse Teyabe a obtenu un doctorat aux Etats-Unis avec une thèse parue sous le titre : « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission » (Maurice, Editions universitaires européennes, 2017, 352 p.).

    Il est aussi le secrétaire général des Groupes bibliques des élèves et des étudiants du Cameroun (GBEEC) et de l’Alliance des évangéliques du Cameroun (AEC).

    Marié, il est père de 4 enfants.

Publicité

Twitter - Actu évangélique

Journal Vivre

Opinion

Opinion

TheoTV (mercredi 20h)

20 janvier

  • «La terre, mon amie» avec Roger Zürcher (Ciel! Mon info)
  • «Repenser la politique» avec Nicolas Suter (One’Talk)

27 janvier

  • «La méditation contemplative» avec Jane Maire
  • «Vivre en solobataire» avec Sylvette Huguenin (One’Talk)

TheoTV en direct

myfreelife.ch

  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Ven 03 novembre 2023

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !