«Pourquoi les lois physiques?» par Jean-René Moret

Jean-René Moret mardi 25 février 2020

Avec un collègue scientifique, le pasteur Jean-René Moret publie « Épîtres aux geeks. Une approche analogique de la science et de la foi ». A cette occasion, il nous propose un extrait sur les lois de la physique, issu d’un chapitre intitulé : «  Dieu, la physique et les jeux vidéos ».

« C’est lui qui a fait la terre par sa puissance. Il a fondé le monde par sa sagesse, il a déployé le ciel par son intelligence » (Jérémie 51.15).

Notre monde est gouverné par des lois naturelles. En règle générale, elles suivent leur cours de manière assez imperturbable, et nous avons facilement tendance à opposer action de Dieu et fonctionnement naturel du monde. Pourtant, d’après la Bible, c’est Dieu qui a donné les lois naturelles.

Mais alors, pourquoi Dieu a-t-il placé des lois qui, d’une certaine manière, semblent fonctionner par elles-mêmes ? Ne pouvait-il pas tout contrôler en temps réel selon son bon plaisir ? À quoi bon des lois naturelles ? Pourquoi Dieu ne fait-il pas tout directement, pourquoi un monde qui fonctionne apparemment de manière mécanique ou automatique ?

Alternatives

Pour réfléchir à cette question, il est intéressant de se demander quelles auraient été les alternatives. Une possibilité serait que Dieu décide librement et souverainement de chaque chose qui arrive, sans suivre de règle. Dans ce monde-là, la volonté de Dieu serait faite, absolument, directement et en permanence. Mais la notion de causalité n’existerait pas. Dieu serait la seule cause de tout ce qui arrive. Les choix humains n’auraient alors aucune portée. Dieu pourrait nous laisser choisir nos actions, mais elles n’auraient que les conséquences choisies par Dieu sur le moment. Dans un tel monde, il n’y aurait pas de vraie responsabilité pour les humains, pas de possibilité d’apprendre ou de progresser.

Choix multiples

Dieu pourrait aussi nous donner une série de choix, et avoir prévu quelle décision conduit à quelles nouvelles options, et les conséquences qui s’y attachent. La vie pourrait alors être une sorte de long questionnaire à choix multiple. Il y aurait là de vrais choix à faire, mais uniquement parmi des options limitées. Cela laisserait fort peu de place à la créativité, on ne ferait que choisir parmi ce que Dieu avait déjà décidé qu’on puisse faire. Et la responsabilité morale serait compliquée : soit Dieu prévoirait des choix mauvais, et serait responsable du mal, soit il n’en proposerait jamais, et nous n’apprendrions jamais à choisir le bien.

Liberté

À l’inverse, un monde naturel avec des règles déterminées nous donne une grande liberté d’action. Nous ne pouvons bien sûr pas tout faire, mais chaque geste peut être fait de mille et une manières. Nous ne choisissons pas parmi un nombre limité et déterminé d’options, mais nous sommes dans un monde avec des possibilités infinies, et nous pouvons y faire ce que nous jugerons le meilleur.

Dieu ne nous propose pas une boîte de dialogue avec des options savamment choisies, mais il nous donne des capacités et un monde qui se tient devant nous.

Dieu n’est pas pris de court par les choix et l’imagination humains, même dans notre monde. Mais Dieu n’a pas limité a priori nos choix pour les restreindre aux possibilités que lui aurait décidé d’envisager.

Sur le Mal

Cela nous donne un angle d’approche sur la question (douloureuse) de l’existence du Mal : le Mal n’est pas une substance à part que Dieu aurait créée par maladresse, sadisme ou distraction, c’est la conséquence de choix qui sont physiquement possibles, mais moralement mauvais. Le mal n’est pas dans la nature de la matière, mais dans ce que nous en faisons. Les lois naturelles ne forcent jamais à mal agir, elles ne créent qu’un éventail de possibilités, où nous devons choisir le bien et chercher le meilleur.

Créativité

Outre la question de la liberté, le monde physique donne aussi sa place à la créativité : Dieu place l’homme dans un monde plein de potentialités, charge à lui de « le cultiver et de le garder » (en termes bibliques), ou de « le développer (durablement !) » (en termes modernes). Louons Dieu d’être dans un monde qui permette l’automobile, la téléphonie mobile et l’énergie nucléaire ! Le plus fort c’est qu’à mon avis Dieu n’avait pas déterminé à notre place la forme que prendraient les développements technologiques. Au contraire, notre monde est formé d’une grande variété d’éléments organisés selon des règles fixes (à notre connaissance), à nous de combiner ces règles pour le mieux – ou pour le pire, malheureusement.

Responsabilité

La liberté combinée au fait que le monde suit des règles stables fonde aussi notre responsabilité : nous pouvons dans une certaine mesure apprendre à prévoir les conséquences de nos actions. Si nous avions un choix infini de comportements, mais que Dieu décide arbitrairement et en temps réel les suites de chacun, notre responsabilité serait nulle, seul Dieu aurait le choix des conséquences.

Mais, en gardant la part de l’impondérable, dans le monde qui est le nôtre, nous avons une idée de ce que nos actions produisent, et c’est pour cela qu’on peut être appelé à rendre des comptes – aux hommes comme à Dieu.

On entend parfois demander : « Comment Dieu a-t-il pu permettre une telle horreur ? », en parlant de la bombe atomique, des gaz de combats, etc. Ou alors, on se dit que dans des domaines sensibles, telle la modification génétique de l’être humain, la technique se heurtera à des limites infranchissables, qui seraient là pour notre sécurité. Mais le fait est que nous ne sommes pas des aliénés dans une cellule molletonnée, nous ne sommes pas dans un monde qui empêche le mal ou le malheur par sa conception même. Si l’homme choisit d’aller au bout de l’atrocité, s’il détruit irresponsablement la planète, ce n’est pas les limites intrinsèques du monde qui l’arrêteront. Nous avons donc à prendre nos responsabilités, et c’est par choix que nous devons nous garder du pire. Bien sûr, dans sa providence Dieu met certaines limites au mal, et un jour viendra où il fera disparaître tout mal de ce monde. Mais notre rôle d’humain responsable est de chercher à faire au mieux avec ce que nous pouvons savoir de notre monde et des conséquences de nos actions. Courir effrénément vers la catastrophe en comptant sur Dieu pour nous en garder revient à tenter Dieu, à se jeter du haut du temple pour voir si Dieu enverra des anges nous sauver (comme Satan qui tentait Jésus).

D’une manière, même les miracles ont besoin de lois naturelles stables. Ce n’est que lorsque l’on sait ce qui est normal, que l’on peut voir que Dieu a agi de manière exceptionnelle.

Et le sens ?

Le monde physique n’est cependant que le cadre d’une aventure à vivre. La nature en elle-même laisse beaucoup de possibilités, mais n’est pas porteuse de sens. C’est dans la relation avec le créateur et les uns avec les autres que ce que nous faisons de ce monde prend sens. Nous sommes appelés à faire usage de la liberté qui est la nôtre dans l’amour, l’obéissance et la confiance envers Dieu, pour le bien de ceux qui nous entourent.

Ainsi, le monde physique, cette réalité qui peut sembler impersonnelle, n’est pas un argument contre l’existence de Dieu, mais la manifestation d’un Dieu qui veut pour nous une vie riche, une vie de liberté, une vie créative, une vie dont nous portons la responsabilité. Louons donc Dieu pour le monde matériel et les lois naturelles. Soyons reconnaissants pour la variété de nos possibilités et de nos expériences dans ce monde. Et usons de ce monde avec créativité, avec responsabilité et avec sagesse, pour la gloire de Dieu !

Jean-René Moret

Cet article est paru dans le journal Vivre, novembre-décembre 2019.

  • Encadré 1:

    Plus d'infos sur l'« Épîtres aux geeks »

    Cet article est repris et adapté du chapitre « Dieu, la physique et les jeux vidéos » dans Jean-René Moret et Christophe Charles, « Epîtres aux geeks. Une approche analogique de la science et de la foi », Scripsi, 2020. Dans ce livre, un physicien devenu théologien et pasteur, et un jeune chercheur en physique mettent en rapport des aspects de la compréhension scientifique du monde avec des réalités de la foi chrétienne. Il ne s’agit pas de prouver la foi par la science, mais d’illustrer l’un par l’autre, de mettre en lumière des parallèles qui aident à la compréhension. Une manière originale et ludique de mettre en rapport science et foi !

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