Le 12 mars au Club suisse de la presse à Genève, une délégation de personnes d’origine vietnamienne a donné une conférence de presse sur la situation des libertés au Vietnam. Elles intervenaient dans le cadre de l’examen par le Comité des droits de l’homme de la manière dont le Vietnam respecte le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un tel examen qui confronte le point de vue d’un Etat et celui de la société civile était attendu depuis 15 ans pour le Vietnam.
Un prêtre catholique, un moine bouddhiste, un pasteur évangélique et des représentants d’ONG contre la torture ou pour les droits des femmes ont pris tour à tour la parole pour dénoncer les violations des libertés fondamentales, commises par le gouvernement vietnamien. Au sein de cette délégation, il y avait des évangéliques des Etats-Unis, le pasteur Joseph Vang notamment, mais aussi des évangéliques installés en France après avoir passé par la Guyane. Ces évangéliques représentaient la minorité Hmong.
« C’est la première fois que je participe à ce genre d’activités, a précisé le président de la table ronde, Nguyen Dinh Thang, un ingénieur installé aux Etats-Unis, qui dirige l’ONG Boat People SOS. La présence de toutes sortes d’ONG en lien avec le Vietnam cette semaine à Genève permet de donner beaucoup d’informations aux représentants de l’ONU sur la situation des libertés civiles et politiques. »
Catholiques, évangéliques et bouddhistes côte à côte pour plaider la liberté religieuse
Un prêtre catholique venu exprès du Vietnam a ouvert le feu des critiques en relevant les menaces constantes du gouvernement vietnamien à l’endroit de prêtres qui se sont montrés solidaires de la population locale touchée par la catastrophe écologique « Formosa » en 2016. En déversant des déchets toxiques dans l’océan, l’entreprise sidérurgique taïwanaise Formosa a tué des tonnes de poissons sur 200 kilomètres de côtes. Ce prêtre vietnamien a aussi relevé que le gouvernement de son pays ne s’était pas embarrassé en début d’année de détruire des centaines de maisons sur un terrain appartenant à l’Eglise catholique et que cela avait occasionné un millier de sans-abris.
Le pasteur Joseph Vang, président de l’ONG « Les Hmong unis pour la justice » (Hmong United for Justice), a mis en avant que nombre de représentants de cette minorité étaient « apatrides » dans leur propre pays. Privés de tout passeport, carte d’identité ou certificat de naissance, ils sont dans l’impossibilité d’acquérir une maison, d’obtenir un travail, de se marier… et même d’avoir accès à des bibliothèques dans leur propre pays !
Avec beaucoup d’émotion dans la voix, la représentante de la Coalition contre la torture, Michelle Nguyen, a documenté plusieurs cas de violences policières et de torture dont avaient été victimes des prisonniers de conscience. Lu Thi Tuong Uyen, qui représentait une fondation pour les droits de l’homme au Vietnam et dont la famille s’est réfugiée en Hollande, a comparé le Vietnam à la société de George Orwell telle que dépeinte dans 1984. « Le Vietnam est un véritable cauchemar, a lancé cette psychologue. Ce pays communiste n’est pas qu’un pays où fleurit le tourisme et un extraordinaire boom économique, c’est un pays de personnes sans droits. »
Un rapport alternatif de l’Alliance évangélique mondiale
A l’occasion de l’examen par le Comité des droits de l’homme de la manière dont le Vietnam respecte le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Alliance évangélique mondiale a publié un rapport alternatif où elle relève la rapide croissance des protestants évangéliques dans ce pays durant ces 40 dernières années. « Ils représentent aujourd’hui une population estimée à 2 millions de personnes, dont les trois quarts appartiennent à des ethnies minoritaires. » La nouvelle loi sur les convictions et la religion, entrée en vigueur en janvier 2018 n’a pas « amené d’améliorations significatives en matière de liberté de religion et de conscience », commente l’Alliance évangélique mondiale. Divisées en deux types, les enregistrées et les non-enregistrées, les communautés religieuses sont étroitement surveillées par l’Etat. Elles « doivent soumettre au gouvernement la liste annuelle de leurs activités… Avant une conférence interne, une organisation religieuse doit envoyer une demande d’examen aux autorités compétentes avec une description détaillée des buts de ladite conférence… »
Le rapport de l’Alliance évangélique mondiale plaide aussi la cause de la centaine de milliers de Hmong qui sont devenus évangéliques ces dernières années. « Il n’y a qu’une partie des milliers de communautés chrétiennes hmong qui ont formellement été reconnues par la loi vietnamienne. Elles continuent à être stigmatisées et opprimées par diverses instances sociales et gouvernementales. Les Bibles en hmong et d’autres publications à caractère religieux sont considérées comme illégales et ne peuvent être imprimées sur place ou importées. »
Ce rapport relève aussi que, vu qu’au Vietnam tous les terrains sont propriété de l’Etat, les conflits autour de la possession des biens fonciers sont une source de tensions majeures entre les communautés religieuses et le gouvernement.
Plaider ensemble la liberté pour tous les Vietnamiens
« Le gouvernement vietnamien a accepté de passer un examen en lien avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, parce qu’il souhaite signer un accord de libre-échange avec l’Union européenne », relève le président de la table ronde, Nguyen Dinh Thang. C’était pour ces chrétiens, ces bouddhistes et ces militants des droits humains une excellente occasion de parler à l’ONU des persécutions et des entraves à la liberté de religion et de conscience. « Ce que nous avons voulu faire, c’est plaider ensemble la cause de toutes les libertés de base pour tous les Vietnamiens », a conclu le président de Boat People SOS.
Serge Carrel
Un article en français de l'organe central du Parti communiste du Vietnam, Nhân Dân, « Engagement du Vietnam dans la promotion des droits de l’homme », 23 janvier 2019.