Jean-François Mayer dresse un portrait bienveillant des évangéliques. On l’a dit !
A le lire sans retenir certaines remarques dites « en passant », on pourrait passer à côté de ce que son regard a de stimulant pour le mouvement évangélique romand.
Développer l’information
Mettons tout d’abord en avant le fait que, selon le sociologue spécialiste des mouvements religieux, les évangéliques ont encore un grand travail de communication à entreprendre pour se faire connaître de la population. Leur éparpillement au niveau institutionnel et les initiatives très diverses des personnes qui composent ce mouvement, ne facilitent pas sa reconnaissance et son identification par l’opinion public. « Cette information doit encore atteindre un plus large public et trouver des relais dans des canaux séculiers » (p. 66), souligne-t-il. Selon le sociologue, ce travail de relations publiques pourra se faire notamment par la médiatisation de certaines personnalités fortes et emblématiques. Il y a là du grain à moudre pour l’équipe de communication de lafree.ch dans la mise en avant de ces personnalités, mais aussi dans le traitement de certains thèmes chers à la fois aux évangéliques, mais aussi à la population en général. Jean-François Mayer le dit très justement : « Un travail permanent d’information et de relations publiques est nécessaire, même si les fruits immédiats n’en sont pas perceptibles. »
Des doutes sur l’effacement du rôle des fédérations
Deuxième remarque intéressante de ce sociologue : l’effort d’organisation mené par le Réseau évangélique suisse (RES) pourrait conduire à l’avenir à une atténuation du rôle des fédérations (p. 64). Pas si sûr ! Il y a un ADN propre à chaque fédération.
Jean-François Mayer reprend ici une tendance qui a prévalu parmi les responsables du Réseau voilà une dizaine d’années. On ressentait fort alors un désir de centralisation. Mais ce désir s’est heurté aux réserves de nombres d’acteurs des fédérations. Actuellement, cette tendance semble nettement moins présente. Jean-François Mayer en rend compte ailleurs : « Dans une perspective bien helvétique, le RES applique le principe de subsidiarité et n’aspire pas à une fonction centralisatrice… » (p. 80). Ce positionnement du Réseau est plein d’avenir. A la fois pour les fédérations existantes, mais aussi pour l’accueil des réformés qui désireraient y adhérer, comme cela se pratique beaucoup en Suisse alémanique.
Ainsi le RES continuerait à développer son rôle de lobby des évangéliques auprès des pouvoirs publics cantonaux ou fédéraux, comme des ONG proches dans l’espace public et auprès de la Coopération suisse au développement. Il continuerait à présenter la vision du monde des évangéliques sur des questions brûlantes comme la liberté de conscience ou de changer de religion, comme l’homosexualité… Le Réseau ne marcherait pas sur les plate-bande des fédérations qui défendent chacune pour leur part une certaine ligne théologique, parfois difficilement conciliable avec d’autres positionnements. Les Eglises évangéliques apostoliques demeurent très attachées à une structure pyramidale de l’Eglise, avec une valorisation forte des leaders et du ministère apostolique. L’Union des Eglises évangéliques de Réveil a inscrit dans sa confession de foi des perspectives chrétiennes sionistes, qui ne permettent que difficilement l’expression de la diversité des points de vue évangéliques sur Israël. La FREE a valorisé la diversité des parcours de formation des ministères, tout en donnant un poids certain aux ministères issus des formations HES ou universitaires…
Tout cela donne des inflexions théologiques spécifiques, dont Jean-François Mayer ne parle pas, mais qui, sur le terrain, révèlent des différences importantes, pas toujours faciles à mettre ensemble dans une fédération. Mais tout à fait compatibles dans une dynamique comme celle du Réseau.
Joyeux anniversaire au Réseau pour ses 10 ans !
Serge Carrel
Rédacteur responsable de lafree.ch
La présentation du livre de Jean-François Mayer: "L'évolution des chrétiens évangéliques et leur réception en Suisse romande".