« Tous des migrants ? » par David Richir, enseignant à Emmaüs

David Richir lundi 14 septembre 2015 icon-comments 2

Face à la révolution migratoire que vit l’Europe, David Richir, ancien pasteur FREE à Morges et enseignant à l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs, s’interroge sur notre identité de chrétien. Ne devrait-elle pas aussi être définie par la migration et l’exil ?

Ce dimanche à l’Eglise évangélique de l’Oasis à Morges, notre nouveau pasteur, Jean-Paul Zürcher, nous a judicieusement invités à méditer le texte de 1 Pierre 2.11 : « Bien-aimés, je vous encourage, en tant qu’exilés et étrangers sur la terre… » Avec l’actualité migratoire de ces derniers jours, le thème s’y prêtait parfaitement ! Si je peux bien saisir l’idée qu’en tant que chrétien, citoyen du ciel, je ne suis qu’un exilé, résident temporaire, sur cette terre, il ne m’est pas facile de comprendre comment le vivre concrètement. Je me sens bien loin de ces hommes ayant tout quitté et tout risqué pour offrir un avenir meilleur à leur famille dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue, ni la culture.

« Etre pasteur aujourd’hui, c’est être marginal ! »

Une conversation récente est venue à mon aide. Lors d’un mariage, cet été, je me suis approché d’un homme sympathique portant des tatouages sur les mains et le cou (son costume cachait le reste !). En discutant avec lui, j’en viens à lui parler de mon ministère pastoral et il se montre très ouvert. Continuant notre conversation, je lui glisse que je me sens souvent plus à l’aise avec les personnes un peu en marge (comme lui) qu’avec les gens « bien-comme-il-faut ». Et lui de me répondre : « C’est normal, être pasteur aujourd’hui, c’est être un marginal ! »

Je dois avouer que, sur le coup, cette vision du ministère pastoral m’a drôlement secoué. Non que j’aspire à la normalité, mais avec ma petite maison, mon petit jardin, mes enfants à l’école… je ne me sentais pas du tout marginal ! Et pourtant… Il est vrai que je vis mon existence un peu différemment des personnes qui m’entourent. En relisant ma vie, j’y trouve des décisions de ruptures que Dieu m’a invité à prendre et qui m’ont conduit là où je suis aujourd’hui. Je me sens appartenir à mon pays, mon village, etc. mais ni l’un, ni l’autre ne me définissent autant que ma foi.

Comment donc vivre « en exilé » ? Sortir du monde est bien extrême. Vivre comme tout le monde est très tentant, mais la culpabilité de ne pas témoigner, de ne pas être si différent revient alors me hanter. Comment être intégré sans être assimilé (selon les mots de notre pasteur) ? Il est vrai que j’ai parfois été tenté de me draper dans mon identité chrétienne pour marquer ma différence. Mais ce désir de martyre semble être plus dicté par la culpabilité et l’orgueil que par l’obéissance à Jésus !

Vivre mon quotidien avec les valeurs de Dieu

Aujourd’hui, j’ai le sentiment que vivre en exilé consiste moins à chercher la confrontation en affirmant une identité forte, que de prendre la décision radicale de vivre mon quotidien avec les valeurs de Dieu et à son écoute. Cela peut sembler un peu bateau, mais c’est bien ce que Pierre explique dans sa lettre (lecture des plus stimulantes soit dit en passant) : que les valeurs de Jésus dirigent notre conduite, car c’est lui qui nous a appelés, nous appelle, et nous appellera encore à l’avenir. Et c’est vrai : lorsque je regarde les décisions de ruptures que j’ai prises dans ma vie, et qui font de moi un « marginal », une sorte d’exilé, ce n’est pas moi qui les ai cherchées pour me construire une identité différente, mais c’est Dieu qui m’a appelé et m’a façonné par les chemins où il m’a conduit.

D’accord, je suis ancien pasteur, enseignant de la Bible… un peu « extrême » comme parcours : normal qu’on me prenne pour un marginal ! Mais lorsque chacun de nous est à l’écoute de Dieu et lui obéit pour vivre ses valeurs : les choses bougent. Et notre identité d’exilé, de marginal, d’étranger, émerge, même malgré nous.

Ne cherchons donc pas à « jouer les exilés ». Vivons les valeurs de Jésus et obéissons à ses paroles : notre identité, il en est l’auteur !

David Richir, enseignant à l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs

2 réactions

  • Maggy Sterckx vendredi, 18 septembre 2015 19:49

    Merci au Pasteur Richir pour sa réflexion à propos d'être 'étrangers sur cette terre'. Quelle bouffée d'espoir ce texte m'a donné ! Enfin nous pouvons être ensemble en mouvement, exilés sachant où est notre patrie, libres de toute sécurité à part celle que nous donne avec combien plus d' assurance, notre Seigneur et Maitre, Jésus-Christ ! Plus de ceux qui sont bien installés d'un côté dans un confort très (trop) confortable et puis les autres qui partent en laissant tout pour apporter la Bonne Nouvelle outre-mer, avec tous les risques que cela comporte. Plus de chrétiens pourtant engagés d'un côté qui s'accrochent à toutes les (fausses) sécurités de ce monde et les autres qui sont prêts à faire des pas de foi dans le vide! Le message de 1 Pierre 2.11 comme bien d'autres de la Parole étaient pourtant bien là depuis longtemps mais nous ne l'avons pas entendu ni compris. Que Dieu nous pardonne ! et qu'Il nous donne cette joie d'être marginal avec Lui! Cela nous permettra peut-être de bien comprendre (avec Empathie) et d'accueillir les vrais exilés de notre temps!

  • severin Bamogo vendredi, 25 septembre 2015 12:35

    J'apprécie cette communication qui me réconcilie et qui m'apporte de l'air frais. Cela a plus de hauteur et de profondeur qu' un autre type de vision nationaliste chrétienne.
    Certains vont professer jusque sur les bancs de certaines de nos églises le drapeau national ( Congo ou suisse et j'en passe ). Certains allant jusque à planter leur drapeau national qui n'a rien à Y faire à coté de la croix de JC.
    Au risque de me faire lapider , l'église ethnique se rapproche plus d'une église inique que d'une église unique.
    L'église est un espace pour tous et qui n' appartient qu'au Christ seul soleil unique comme sur toute la planète (plus de juifs ni grecs ni hommes ni femmes ni jeunes ni vieux etc...)
    Il serait absurde de me faire dire que nous n'avons pas de couleur locale (tous noirs jaunes blancs et que sais je encore !) voir que nous devenons asexué en devenant chrétien.
    Je suis noir mais n'aime pas forcement le tamtam .
    Une expérience vécue c'est celui de ce brave frère responsable d'une église le dimanche matin qui prend le soin de me dire après le culte : Vous savez notre paroisse organise à coté un culte de louange chante et dansante et vous pouvez y aller.

    Zut moi qui apprécie la pompe à psaume et l'orgue je prends le temps de lui répondre .
    Dites Monsieur, comment un noir comme moi peut il montrer patte blanche ...cela a finit au café d'a côté à deux et lorsque la serveuse nous demande qu'est ce que je vous sers je dis de go : Un petit noir !
    Elle elle vire de couleur et j'ajoute parce que le grand noir c'est moi.....

    Mes frères suisses voilà que 7 ans après mon installation en Suisse dans la même volée que l'auteur de l'article qui est mon ami et frère ,je ne trouve pas de poste pastoral salarié ou non même à mi temps dans vos églises.
    Aller ici et là prêcher oui oui mais s 'installer dans cette charge non non.J'ai essayé dans votre belle déclaration implantation de 10 églises en 10 ans mais de coté il n' y a pas d'os à croquer vértitablement.

    J'espère et prie que ce bel énoncé ne tombe pas à terre comme tant de déclaration sans lendemain.
    Merci aux frères des Uttins qui m'ont accueilli avec ma famille.
    Je vous aime de tout mon coeur et lutte avec vous en ce moment pour une église qui retrousse les manche pour le bon combat de la foi transmise aux saints une fois pour toute.
    Dieu nous vienne en aide pour qu'on aille s'accueille mutuellement et radicalement.

Opinion - avertissement

Les signataires de ces textes sont soit des membres de l’équipe de rédaction de lafree.ch soit des personnes invitées.
Chacun s’exprime à titre personnel et n’engage pas la FREE.

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