Jean-Louis Guillet, le Péruvien qui conquiert la Suisse grâce au solaire

Monika von Sury vendredi 15 juin 2018

Prenez un apprenti laitier, une bonne portion de rigueur helvétique, une grande louche de cordialité sud-américaine, ajoutez un employé modèle et un entrepreneur fou, mélangez bien. Épicez avec de la créativité, du tempérament et de la passion, ajoutez de la modestie à volonté : laissez reposer au soleil et vous obtiendrez Jean-Louis Guillet, l’homme aux mille contacts, mais à un seul maître : Jésus-Christ.

Photo JLGJean-Louis Guillet naît en 1969, de mère péruvienne et de père suisse. Ses géniteurs tracent une première ligne gastronomique : son papa est laitier fribourgeois de la quatrième génération, sa maman appartient à une longue lignée de restaurateurs passionnés. « Je suis né là-dedans, cela explique pourquoi j’aime faire la cuisine et déguster toutes sortes plats ! » explique Jean-Louis avec un grand sourire. Jusqu’à l’adolescence, il vit au gré des activités de ses parents tantôt au Pérou, tantôt en Suisse. En 1980, son père ouvre au Pérou la première laiterie du pays avec le produit phare « Yogui » (contraction de Yoghourt et Guillet). Décriée comme « sale capitaliste » par les terroristes du Sentier lumineux, la famille rentre en Suisse en 1985. Jean-Louis a 15 ans, il doit finir l’école. Lorsque son  papa lui demande ce qu’il aimerait faire comme métier, il n’hésite pas une seconde : laitier ! Il ne sait pas qu’il pourrait faire le gymnase, il ne se pose aucune question. Il accomplit son apprentissage avec enthousiasme et le voilà couronné du diplôme de laitier. Nous sommes en 1989. 

Métier de la terre

Avoir été balloté entre deux continents, entre un milieu campagnard et un milieu citadin, comment se sent Jean-Louis ? Plutôt Péruvien ou plutôt Suisse? Ni l’un, ni l’autre. C’est la combinaison des deux cultures qui compte. S’il n’était que Suisse, pense-t-il, le côté communication, ouverture et contact ne serait pas aussi développé. Et s’il n’était que Péruvien, il lui manquerait le côté organisation, persévérance et qualité. « Quand je suis au Pérou, c’est l’organisationnel qui prédomine ; quand je suis en Suisse, c’est le convivial qui prime. » Ce mélange entre chaleur et rigueur constitue un immense avantage dans sa carrière, à commencer par sa profession de laitier.

Le choix de son premier métier le marque à vie. Jean-Louis Guillet est convaincu que s’il avait fait des études universitaires, il n’aurait pas eu la même vision de l’entreprise. « Laitier, explique-t-il, est un métier où il faut mettre la main à la pâte, où il faut travailler dur. On peut être malade comme un chien, on peut cracher ses tripes, mais il faut aller travailler. » Il est très fier d’avoir fait ce métier de la terre, d’autant plus que, plus tard, quand il fonde sa propre entreprise, ses premiers clients sont surtout des agriculteurs. Le fait de parler la même langue qu’eux, de discuter sol, vaches, lait, lui ouvre des portes qui autrement seraient restées fermées. Il ne doute pas : son premier gagne-pain avait été prévu par avance par Jésus, son Seigneur.

A l’école de la vie

La période de vie 1989-94 est délicate à plusieurs titres. Après avoir fait son armée, Jean-Louis suit une formation préparatoire pour entrer à l’Ecole d’ingénieur en denrées alimentaires, lorsque sa maman tombe gravement malade. Son père est au Pérou pour affaires, le jeune homme est seul à s’occuper de cette mère qu’il aime profondément. Il doit arrêter ses études quand sa maman décède en 1994. Le choc est violent ! Jean-Louis vit un double deuil : la perte de sa maman et l’abandon de sa profession d’ingénieur en denrées alimentaires. Il trouve alors un emploi à la Migros où il travaille pendant 14 ans, d’abord comme responsable de production, ensuite comme chef de produit au département marketing d’ELSA. Ce temps chez Migros est extrêmement profitable : il apprend énormément grâce à son premier patron qui a un cœur énorme, qui croit en lui et le soutient en toutes circonstances. La maîtrise fédérale en denrées alimentaires qu’il avait sacrifiée pour pouvoir soigner sa mère, il la rattrape grâce à cet homme. Les bases solides pour pouvoir créer plus tard sa propre entreprise, il les acquiert grâce à lui. Son poste de chef de produit marketing chez ELSA, il l’obtient grâce à la recommandation d’une connaissance. C’est un poste de rêve ! « Le marketing, explique-t-il, c’est comme le pouce de la main : il a le contact avec tous les autres doigts. » Cela illustre parfaitement sa personnalité ouverte vers les autres. Ce n’est que plus tard qu’il  reconnaît que c’est Dieu qui l’a mis là : « Le Seigneur nous place à des endroits stratégiques, mais on ne s’en rend pas compte tout de suite. C’est avec le recul que je vois que Dieu était là, qu’il posait des jalons. »

Premiers pas comme entrepreneur

JLG et Raphaël DomjanEn 2008, sa vie bascule de nouveau. Une hernie discale foudroyante nécessite une opération d’urgence et l’oblige à arrêter net toute activité. Pendant ses quatre mois de convalescence, il réfléchit : « Qu’est-ce que je fais de ma vie ? Il faut que je fasse autre chose. Migros, c’est très bien, mais c’est aussi très carré. J’ai besoin d’autre chose ! » A ce moment, son destin prend un tour inattendu. Un ami dans la foi se lance dans le solaire, mais il est technicien, pas vendeur. Passionné de marketing, Jean-Louis Guillet propose de l’aider à développer le côté commercial. Son ami accepte et la firme commence à bien marcher quand son associé prend soudain peur, il ne veut pas grandir trop vite. La situation de Jean-Louis devient critique. Marié, avec deux enfants en bas âge, il avait donné son congé chez ELSA par la foi. Il n’a plus rien, il a besoin de vendre pour vivre. A l’époque, le solaire n’est pas très répandu et vendre dans ce domaine est très difficile. Quelle direction prendre ? Avec Patricia, sa femme, ils voient trois possibilités -toutes également tentantes-qu’ils remettent dans la prière : lancer sa propre entreprise dans le solaire, partir avec toute la famille faire une école biblique ou ouvrir un restaurant. La réponse du Seigneur est claire. Jean-Louis crée Soleol SA, une entreprise spécialisée en énergie solaire, en partenariat avec Olivier Cherbuin, technicien expérimenté. C’est dans sa firme qu’il devra désormais faire preuve de son talent de communicateur. La tâche est ardue, car à l’époque le milieu de l’énergie est encore très fermé. Il n’y a que quelques gros distributeurs qui gèrent  le marché. « Quand Soleol, petit poucet, arrive, c’est comme une souris qui pénètre dans la trompe de l’éléphant : le colosse commence à bouger dans tous les sens. » Il est vrai que les grands n’ont  pas besoin de communiquer, ils ont leurs clients captifs. La souris intruse comprend que, pour ne pas mourir, elle  doit communiquer non seulement intensément, mais aussi différemment. Pas en montrant des panneaux photovoltaïques, mais en mettant en avant l’énergie sous forme d’images discrètes et douces de la nature et du soleil. Du coup, c’est toute la communication du milieu des énergies qui change.  

Comment Jean-Louis Guillet a-t-il vécu le passage d’employé à patron ? Pas comme une coupure nette, plutôt comme une période de transition. Salarié chez ELSA, il a déjà de grandes responsabilités comme chef du marketing. Il compare sa position à celle d’un caporal, avec des hommes en dessous et un officier en dessus, qui doit gérer les deux niveaux. « Avec Soleol, je ne suis pas passé de soldat à capitaine. En fait, je reste un simple caporal, avec en dessous de moi mes soldats et en dessus de moi mon Capitaine, Jésus-Christ. C’est devant lui que je devrai rendre compte un jour de toutes mes actions. Savoir cela me pousse à rester humble. » 

Dans la cour des grands

JLG et Solar StratosSous l’impulsion de son énergique patron, Soleol connaît une croissance ininterrompue. Avec plus de cent collaborateurs et 16 millions de chiffre d’affaires, sa firme est aujourd’hui leader dans les énergies renouvelables en Suisse. Des exploits originaux jalonnent les dix années de son existence, à commencer par la construction de son siège social à Estavayer, au bord du lac de Neuchâtel. C’est le premier bâtiment à énergie positive : il produit 15 fois plus d’énergie qu’il n’en consomme. Cette performance est récompensée par le Prix solaire en 2016. Et ce n’est pas tout. Le fleuron du bâtiment est son ascenseur solaire que Jean-Louis Guillet développe en partenariat avec un fabricant de lifts. Il glisse, non sans fierté : « Nous sommes les seuls à disposer d’une installation aussi révolutionnaire. C’est un prototype, il n’existe nulle part ailleurs dans le monde. » 

Notre pionnier de l’énergie solaire cumule d’autres exploits. A Onnens dans le canton de Vaud, il construit la plus grande centrale solaire de Suisse. Ces 35’000 cellules photovoltaïques produisent l’équivalent de la consommation électrique d’environ 2’300 ménages. Cette installation impressionnante sera inaugurée en automne prochain, normalement en présence de la ministre de l’énergie, la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Un autre projet fascinant est en cours de réalisation : Solarstratos, l’avion solaire réalisé grâce au savoir-faire du Centre suisse d'électronique et de microtechnique à Neuchâtel (CSEM) et de Soleol qui intègre ses cellules solaires. Mais comment Jean-Louis Guillet fait-il pour obtenir ces collaborations extraordinaires ? « Tout ça, c’est par du relationnel. Dès qu’on s’ouvre un peu, qu’on sort de sa petite zone de confort, les contacts se créent. Au début, on ne voit que le bout de notre nez, la pointe de l’iceberg, sans savoir ce qui se passe dessous. Mais en fait, toutes ces relations ont été permises et bénies par le Seigneur. C’est lui qui bâtit les ponts. » Solarstratos vient de faire son baptême de l’air pour être homologué par l’OFAC (Office fédéral de l’aviation civile) et prévoit de monter dans la stratosphère en 2019.

En dix ans, explique Jean-Louis Guillet, le marché de l’énergie a beaucoup évolué. On ne peut plus être spécialiste et vendre seulement des panneaux solaires. Entrepreneur infatigable, il aligne les initiatives à la fois novatrices et complémentaires comme des perles sur un collier. En 2010, son associé crée une société partenaire, Energybat Consulting, qui propose des certificats énergétiques à des clients privés et publics, qui les sensibilise à la préservation de l’environnement et qui sera intégrée dans une holding. Des sociétés d’investissement et une firme spécialisée en domotique s’ajoutent pour élargir l’offre solaire. « Nous avons regroupé toutes ces firmes dans la Greentech Holding SA, qui englobe toute la chaîne énergétique, depuis la production à la vente, en passant par le stockage et des solutions électriques intelligentes. »

Remise diplome 2Jean-Louis Guillet est également actif dans son pays natal. Il y ouvre deux succursales : Soleol Suiza, et Soleol Pérou, cette dernière pour pouvoir participer aux soumissions publiques. Ces firmes sont destinées à apporter des solutions solaires de qualité suisse, à prix abordable, et adaptées au marché sud-américain. « Au Pérou, les énergies renouvelables se développent à vitesse grand V, c’est cinquante fois la Suisse », s’enthousiasme Jean-Louis. Pour récompenser l’excellence de ses activités, le Ministère des relations extérieures du Pérou lui a discerné le prix Diploma al Merito. L’événement est célébré à l’ambassade péruvienne à Berne, en présence de membres du gouvernement suisse et de personnalités du corps diplomatique, académique et scientifique. 

Le secret du succès

photo famille GuilletQuel est le secret de son succès ? « J’ai la chance d’avoir deux associés avec la même vision, au niveau de l’entreprise mais aussi par rapport aux valeurs chrétiennes. Cela aide énormément, surtout dans des moments difficiles, car il faut savoir que nous sommes aussi beaucoup attaqués. Parfois, nous mettons le Seigneur à l’épreuve : il faut que nous ayons une solution tout de suite. Le Seigneur répond toujours, parfois tard, parfois très tard, mais jamais trop tard. Toutes ces prières mises bout à bout pendant dix ans expliquent le succès de Soleol aujourd’hui. » Mais le succès commercial n’est pas tout. Sa réussite repose sur la stabilité de trois piliers qui sont essentiels à une vie épanouie : l’église, la famille et le travail. « S’il y en a un qui est un petit peu branlant, ça peut aller, mais s’il y en a deux qui ne sont pas stables, c’est la catastrophe. Il faut veiller à garder l’équilibre entre les trois ; si j’y parviens, alors je peux dire que j’ai du succès -avec un S majuscule. » Une dernière question concerne ses enfants, aujourd’hui jeunes adultes : vont-ils suivre les traces de leur père dans le solaire ? « Peut-être, mais, le plus important, glisse-t-il, c’est qu’ils me suivent dans les traces du Seigneur ! »

Monika von Sury
Royal Line, agence de traduction Royal Line

Cet article est paru dans le magazine suisse alémanique Idea Spektrum.

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