Il habite Manchester, a les yeux rieurs derrière les verres de ses lunettes et raconte volontiers son histoire. « Vous savez, plus d’un million de personnes ont tenté de quitter la Corée du Nord depuis les années 1990 et notamment ces 20 dernières années, explique-t-il d’emblée. Mais peu y sont parvenus, pas même le 10% d’entre eux. La plupart ont été arrêtés par les autorités chinoises et renvoyées à Pyongyang. Ils y ont atterri dans des camps de prisonniers. Ou ont été exécutés. Plusieurs sont en ce moment même incarcérés. » Timothy cite des raisons politiques, religieuses et de violations des droits humains qui poussent les Nord-coréens à quitter leur pays, qu’il qualifie sans ambages de prison « la plus sombre et la plus grande au monde ».
Obscurité
Il indique avoir essayé par deux fois de s’échapper de son pays et avoir fréquenté par quatre fois des milieux carcéraux. Puis il souligne avoir rapidement découvert combien le régime de Pyongyang est un régime de propagande qui opère un véritable lavage de cerveau chez ses citoyens. « La première fois que j’ai vu un marché en Chine, j’ai été choqué de voir la nourriture proposée, la diversité des habits, les lumières… J’ai vraiment réalisé combien la Corée du Nord baignait dans l’obscurité, où les gens n’ont d’ailleurs ni internet, ni téléphone portable. »
Classifié « personne hostile »
Timothy n’était pas un chrétien en Corée du Nord. « De toutes façons, tu ne peux pas t’identifier comme chrétien ! Le régime est très opposé au christianisme. La religion est déclarée opium du peuple, selon les mots de Karl Marx. Et le christianisme est assimilé aux Etats-Unis qui est l’ennemi. Le dieu en Corée du Nord est Kim Jong-un et sa famille. Plusieurs statues et images à son effigie sont d’ailleurs présentes partout dans le pays. Et dans ta maison, comme dans les écoles, les photos qui le représentent lui et ses proches doivent être propres, sinon on peut être inquiété. » Et le trentenaire d’expliquer que le régime communisme classifie aussi sa population par catégories. La plus basse d’entre elles est dénommée « hostile ». On y trouve les personnes qui ont des proches à l’extérieur du pays ou qui ont commis un crime. « Quand mon père a fui le pays, j’ai été qualifié de personne « hostile », ce qui a eu des répercussions sur les aliments auxquels je pouvais avoir accès, mon éducation, mes possibilités d’avenir. On est alors traité de racaille. »
Rencontres avec le Dieu des chrétiens
Mais Timothy a rencontré Dieu pendant ses tentatives d’évasion. « La première fois, j’ai d’abord été mis en contact avec un missionnaire chrétien en Chine qui avait une Bible dans sa maison. Mais je l’ai vu comme un trafiquant d’êtres humains parce que j’avais alors des idées très anti-chrétiennes. J’ai fui cet homme alors qu’il aurait pu m’aider. J’ai essayé de passer la frontière avec la Mongolie où j’ai été arrêté et renvoyé dans mon pays d’origine. » Survient alors la première case prison. « On y vit, on y voit, on y entend des choses atroces. Il n’y a pas assez d’espace pour tous les détenus, on dort sur le dos d’un autre, on ne se regarde jamais dans les yeux. Une nuit, l’homme qui dormait sur mon dos est mort, probablement suite à des tortures. Il n’y avait pas d’humanité là-dedans. Mais par la grâce de Dieu, j’ai été renvoyé dans la maison de ma grand-mère… d’où j’ai essayé à nouveau de quitter la Corée du Nord. Lors de cette deuxième tentative, j’ai été mis en détention par la police chinoise à Shangaï »
« Je ne savais pas prier »
Timothy égrène ses souvenirs avec émotion. Il explique avoir alors rencontré dans sa cellule un gangster sud-coréen qui lisait la Bible. « Il m’a conseillé de la lire à mon tour et de prier Dieu. Je ne savais pas prier. Il m’a ainsi juste dit de prononcer amen à la fin des souhaits que je pouvais exprimer. J’ai alors répété : « Je ne veux pas rentrer en Corée du Nord, amen, je ne veux pas être tué, amen. » Des mots simples. Puis j’ai dit à Dieu de me libérer s’il voulait que je croie en Lui. Comme nous avions cherché refuge avec d’autres Nord-Coréens à Shangaï dans une école américaine, des étudiants ont alerté l’opinion publique et les médias occidentaux. Pendant que je priais, notre libération se discutait ainsi par pression médiatique… »
» J’étais un nobody, mais, comment dire ? La prière m‘a donné de la force, de l’espoir. Elle m’a sauvé la vie. »
Gabrielle Desarzens
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