Rencontré lundi 17 janvier dans les locaux de l’ONG à Romanel-sur-Lausanne, Philippe Fonjallaz fait entendre sur son ordinateur le témoignage d’une femme afghane reçu le matin même. Les propos traduits parlent de voisins chrétiens qui ont disparus « on ne sait où »… On apprend que les Talibans font du porte-à-porte à la recherche de ces disciples de Jésus qui sont dénoncés et qui doivent fuir pour échapper à l’emprisonnement, voire à la mort. « L’Afghanistan a dépassé la Corée du Nord dans notre index de persécution 2022 et se retrouve en tête des pays où il est le plus dangereux d’être chrétien », commente le directeur. Ce pays ne compte quasiment plus d’expatriés. Les chrétiens sont des musulmans convertis et sont actuellement sous une pression folle, comme aussi d’autres minorités, comme les Hazaras. Il n’y a pas d’église en Afghanistan. « Nous, chrétiens, rencontrons notre pasteur au milieu de la nuit pour que personne ne puisse nous identifier », explique la femme d’une voix cassée.
Un chrétien sur 5 persécuté en Afrique
Autre région du monde, autre contexte : au Nigéria, la violence subie par les chrétiens est brutale et régulière. Dans le nord du pays, un pasteur a été tué le 8 décembre dernier, alors que dix chrétiens étaient assassinés dans l’Etat du Plateau, plus au centre. « Si dans le monde un chrétien sur 7 souffre de persécution, on estime ce ratio à un chrétien sur 5 en Afrique », souligne Philippe Fonjallaz. La région sahélienne est particulièrement touchée. Puis le directeur montre la carte publiée avec le dernier index mondial de persécution qui liste les 50 pays où les chrétiens subissent les violences les plus sévères. « On explique l’augmentation de la persécution en regard de la hausse des nationalismes un peu partout dans le monde », commente-t-il. Le directeur pointe l’Inde, à la 10è place : « Dans ce pays, les nationalistes hindous ostracisent les croyants d’autres religions. Mais voyez en Chine : l’Evangile gagne du terrain, alors que le dirigeant Xi Jinping ne cesse de restreindre le nombre d’églises, d’emprisonner les pasteurs et d’interdire la diffusion de littérature chrétienne. Au Myanmar, on compte 200'000 chrétiens déplacés à l’intérieur du pays. »
Des humains à défendre
Peut-on parler de christianophobie ? Philippe Fonjallaz parle d’une sorte de complexe des Occidentaux à mettre des mots sur cette persécution pourtant documentée : « C’est comme si parler de la persécution des chrétiens serait se montrer impérialiste ou colonialiste. Il y a comme un politiquement correct à ne pas thématiser sur cette réalité qui concerne pourtant des femmes et des hommes qui devraient connaître la liberté religieuse telle que garantie par l’article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme ! Derrière ces chiffres, il y a des êtres humains qu’il est urgent de défendre ! » Le directeur regarde par la fenêtre de son bureau, puis reprend : « J’en appelle aux prières, qui sont une arme puissante, dit-il. Comme aussi le soutien aux différentes ONG qui viennent en aide sur le terrain à nos frères et sœurs en Christ. » Et le directeur de citer ces mots d’une autre chrétienne afghane clandestine : « Quand vous priez, vous nous rencontrez dans la salle du trône de Dieu. Vous nous y retrouvez et nous pouvons nous unir les uns aux autres. »
Gabrielle Desarzens