Des effets inattendus à la tuerie de Charlie Hebdo sont survenus vendredi 16 et samedi 17 sur sol africain : dix personnes ont trouvé la mort et près de 200 personnes ont été blessées dans la capitale du Niger, Niamey, et à Zinder, deuxième ville du pays. Suite à ces manifestations meurtrières contre la dernière une de Charlie Hebdo caricaturant Mahomet, le gouvernement nigérien a décrété un deuil national de trois jours et la mise en berne des drapeaux sur tout le territoire à partir de lundi 19 janvier.
Quarante-cinq églises ont été saccagées puis incendiées, comme des maisons de pasteurs et de religieuses, des écoles et un orphelinat chrétiens. Selon Steve Schmid, directeur de l’ONG SIM-Niger, la situation est revenue au calme dans la capitale, mais les chrétiens se sentent toujours menacés à Zinder, où ils sont sous protection policière. « Nous sommes en train de venir en aide aux familles sinistrées, puis nous nous occuperons de la remise en état des églises en collaboration avec les organisations humanitaires sur place », a-t-il déclaré mercredi.
Boubacar Seydou Touré, secrétaire général de l’Association islamique du Niger, a pour sa part condamné ces violences antichrétiennes.
Les morts, des musulmans
Pour Steve Schmidt, les églises ont été visées, mais pas les expatriés. Les morts sont d’ailleurs, et toujours selon lui, des manifestants musulmans. « Nous avons l’impression que c’était bien organisé, que les attaques se ressemblaient », a-t-il déclaré.
Selon le site de Jeune Afrique, ces violences peuvent être mises en lien avec la proclamation du chef d’Etat du Niger Mahamadou Issoufou qui avait ouvertement déclaré : « Nous sommes tous Charlie », suite à la tuerie du 7 janvier survenue à Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo. Cette prise de position avait provoqué un vent de colère parmi la population du pays qui est à 98% musulmane. Mahamadou Issoufou était l’un des six chefs d’Etat africains à participer à la marche républicaine du 11 janvier dans la capitale française.
Influences de Boko Haram ?
Niamey et Zinder en particulier sont par ailleurs des villes du sud du pays, très proches du Nigéria. Soixante kilomètres seulement séparent Zinder de la frontière à travers laquelle des prédicateurs adeptes de Boko Haram vont et viennent en essaimant leurs idées extrémistes, notamment auprès des jeunes.
Concours de circonstance : une réunion régionale sur Boko Haram s’est ouverte mardi à Niamey. Le Niger comme ses pays voisins craignent en effet une islamisation radicale dans tout le Sahel. Le but affiché de la rencontre est d’empêcher collectivement Boko Haram de déployer sa puissance de feu comme le groupe a pu le faire lors du massacre de Baga, le 3 janvier, dans le nord du Nigéria. Selon Mohamed Bazoum, le ministre des Affaires étrangères du Niger, le massacre de cette localité de l’Etat de Borno relève « d’un crime contre l’humanité ». Une femme tuée en plein accouchement, une petite fille forcée à se faire exploser sur le marché… les témoignages recueillis sur place par Amnesty International sont terrifiants. Le nombre de 2000 morts est évoqué.
Dimanche dernier, Boko Haram a lancé un nouveau raid meurtrier dans l’extrême nord du Cameroun, où l’armée tchadienne est aujourd’hui déployée.
Gabrielle Desarzens
Ecouter cette chronique Juste Ciel! sur RTS La Première.