C’est un artiste chrétien peu connu en Suisse qui donnait une conférence le 23 février dernier, dans les locaux de l’Eglise évangélique (FREE) de Lonay. Pourtant, Rick Wienecke est l’auteur d’un mémorial visité par des milliers de personnes chaque année. L’œuvre originale se trouve à Arad, en Israël, mais une seconde est présentée en Pologne, juste à l’extérieur des portes d’Auschwitz. Longue de vingt mètres et haute de quatre, « la Fontaine des Larmes » est composée de sept panneaux en pierre de Jérusalem représentant le Christ sur la Croix et ses sept dernières paroles (Luc 23, Jean 19 et Matth.27).
En face de lui, faisant écho à ses paroles, se trouve la figure d'un déporté de la Shoah. Entre les panneaux, des murs de pierres foncées symbolisent les six millions de Juifs assassinés par les nazis. Des gouttes d'eau coulent lentement sur les pierres, illustrant les larmes du texte biblique de Jérémie 9, v.1. Aux deux extrémités, deux sculptures représentent la Résurrection. «Pour moi, Jésus enlace toutes les souffrances du monde. Il est la réponse à toute forme de souffrance. Il ouvre un espace de guérison pour la victime comme l’agresseur, car nous avons tous la possibilité de devenir l’un ou l’autre», a explicité l’artiste devant les cent-vingt personnes présentes.
La mémoire de Dieu
Traduit par Luc Zbinden, l’organisateur de la soirée, Rick Wienecke a d’abord relaté comment il est arrivé en Israël dans les années 70, en quête de Dieu (cf. encadré). Rien ne destinait ce Canadien d’origine à s’intéresser à la Shoah, ni à devenir sculpteur. « Dieu a construit en moi ce talent artistique, qui est un moyen de communication, l’expression d’une prière ». En quarante ans de carrière, « La Fontaine des Larmes » a été l’œuvre la plus difficile à réaliser pour le sculpteur, qui a aujourd’hui la citoyenneté israélienne.
«Chaque étape de ce processus était remplie de larmes" confie l'artiste. "Comment aborder l’Holocauste de manière créative ? C’était une réelle lutte intérieure avec Dieu. Je lui disais : je ne suis pas Juif, ni même Européen, je n’ai pas de lien avec ce génocide. Comment créer un mémorial sans aucune mémoire à ce sujet ? Et j’ai entendu Dieu me répondre intérieurement : C’est moi qui le ferai. Moi, je me souviens de chaque enfant, chaque femme, chaque homme, chaque wagon, chaque chambre à gaz, chaque larme, chaque prière, je me souviens de tout ! ». Cette conviction que Dieu le guiderait a été le point de départ d’un processus artistique long de sept ans.
Un appel lancé aux chrétiens
Pour Luc Zbinden, « La Fontaine des Larmes » et les autres sculptures de Rick Wienecke matérialisent des vérités bibliques et illustrent le dialogue que Dieu cherche à établir avec chacune et chacun d’entre nous, dans nos questionnements, nos souffrances, nos prières. « Je les vois comme un point de rencontre entre la Parole et ma réalité », résume-t-il.
Par ailleurs, si les créations de l’artiste racontent la tragique et indicible souffrance de l'Holocauste et le rétablissement de toute chose par l’œuvre du Messie, elles expriment encore autre chose pour Luc Zbinden. Cet appel lancé aujourd’hui à l’Eglise: acceptons-nous, comme Ruth dans la Bible, d’entrer en alliance avec Israël ? De prier et nous tenir sur la brèche en faveur des projets du Dieu Eternel pour cette nation et les peuples vivant sur cette terre? »
Une même question
Luc Zbinden a découvert le travail artistique de Rick Wienecke à travers son livre (Des Semences dans le vent, éd.Emeth) puis a eu l’opportunité de le rencontrer en Israël en 2018, puis en 2022. «J’ai réalisé combien son parcours était proche du mien », partage encore l'organisateur, «celui d’un non-juif prenant conscience de la fidélité de Dieu dans toute l’histoire du peuple juif.
Cette même question nous a interpellés chacun: comment, trois ans après avoir survécu à la Shoah, ce peuple a-t-il réussi à fonder une nation qui reste debout malgré les menaces et le rejet ? Rick Wienecke a saisi combien sa foi chrétienne ne pouvait être dissociée du destin du peuple juif, de la terre d’Israël et d’un Messie juif », conclut-il.