Faut-il interdire le blasphème ?

Jean-René Moret jeudi 20 juillet 2023

Le 28 juin dernier, un Irakien réfugié en Suède a brûlé quelques pages d’un exemplaire du Coran devant une mosquée de Stockholm. Le 12 juillet, au nom de plusieurs pays membres de l’Organisation de coopération islamique, le Pakistan a fait adopter par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU une résolution visant à protéger les textes saints. Quant à Jean-René Moret, pasteur dans l’Eglise évangélique de Cologny (FREE), il explique pourquoi, selon lui, légiférer contre le blasphème ne peut être qu’inutile et nuisible (1).

Suite à l’autodafé d’un Coran en Suède, des pays de culture islamique ont demandé un débat urgent à l’ONU, avec le désir d’un cadre légal international contre les actes qui heurtent les convictions religieuses. Cela pose à nouveau la question du blasphème. Faut-il protéger les convictions des croyants, en interdisant les propos ou représentations qui insultent leurs croyances ou leur divinité ?

Comme chrétien évangélique, je vois plusieurs bonnes raison de ne pas aller dans ce sens.

Tout d’abord, l’accusation de blasphème a souvent été utilisée pour persécuter les chrétiens, que ce soit dans la Rome antique, où ils étaient taxés d’athéisme pour leur refus de sacrifier aux dieux païens, ou aujourd’hui dans des régions où ils sont minoritaires. Une interdiction du blasphème est dangereuse. Elle donne des cartes à ceux qui persécutent les positions religieuses minoritaires.

Dieu est assez puissant pour défendre son honneur

Ensuite, les chrétiens croient en un Dieu qui est assez puissant pour défendre son honneur lui-même. En tant que théologien, je ne peux que déconseiller à chacun de blasphémer ; mais les conséquences sont entre la personne et Dieu. Du reste, Jésus assurait que tous les blasphèmes prononcés contre lui seraient pardonnés, ce qui devrait dissuader ses disciples de poursuivre les blasphémateurs.

Troisièmement, protéger une opinion particulière contre les remises en questions nuit à la recherche de la vérité. Jésus-Christ se présente comme « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Or, la vérité est mieux servie par la recherche libre et l’argumentation raisonnée que par l’imposition ou la protection d’une vérité par les Etats.

Il est vrai que l’on peut argumenter contre les convictions d’une personne sans insulter ses croyances, mais la différence est parfois subtile et peut dépendre des sensibilités personnelles. L’amour et le savoir vivre demandent de ne pas heurter pour heurter, mais il ne faut pas en faire une question de droit, tant qu’on n’atteint pas l’appel à la haine ou d’autres excès manifestes.

La foi ne peut provenir que d’une conviction personnelle

Par ailleurs, les évangéliques insistent fortement sur le fait que la foi en Dieu ou en Jésus-Christ doit provenir d’une conviction personnelle. En effet, elle n’est pas authentique si elle est imposée par la tradition ou l’autorité étatique. De même, un respect imposé par la loi n’aurait que peu de valeur.

Indépendamment des convictions personnelles, il est bon de vivre dans une société libérale, où les opinions et les convictions peuvent être librement discutées et remises en cause. Cela demande à chacun d’être prêt à entendre des propos qui le choque ; et cela interdit qu’une opinion ou l’autre soit privilégiée par une protection de l’Etat. C’est une maturité que chacun doit apprendre, mais qui est nécessaire pour que tous profitent d’une véritable liberté de conviction.

Sanctionner le blasphème met en cause la possibilité d’un débat véritable. Par contre, comme toute liberté, la liberté d’expression s’accompagne d’une responsabilité de l’usage qui en est fait : soyons respectueux, sans demander que la loi nous y force !

 

(1) Article paru dans la Tribune de Genève du 14 juillet 2023 : https://www.tdg.ch/mieux-vaut-ne-pas-sanctionner-le-blaspheme-529319608178.

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