La transsexualité est un phénomène qui gagne de plus en plus en ampleur et en visibilité. Des personnes se sentent mal dans leur peau et ne se reconnaissent pas dans leur sexe biologique (ou « attribué à la naissance », comme le disent certains). Ces personnes vivent un profond malaise, qu’il faut comprendre et accompagner. L’une des solutions proposées est celle du changement de sexe. Par le biais d’hormones et de chirurgie, on leur permet de « devenir » le sexe qu’ils se sentent être au fond d’eux-mêmes. Récemment, et en particulier dans les pays anglo-saxons, il est de plus en plus encouragé de reconnaître tôt la transsexualité. Pour minimiser la souffrance, on veut agir tôt chez des adolescents voire des enfants, en particulier en prescrivant des bloqueurs de puberté qui empêcheront le développement des caractéristiques sexuelles non-souhaitées, tandis que la chirurgie attend généralement l’âge adulte.
Distinction bienvenue entre genre et sexe
Cette approche pose des questions et a des aspects paradoxaux. Les études portant sur le genre nous ont appris à distinguer entre genre et sexe. Il faut distinguer entre le sexe biologique, et les attentes sociales projetées sur l’homme ou la femme. Beaucoup de caractéristiques et de rôles traditionnellement attribués à l’un ou l’autre sexe sont en fait matière de convention, d’organisation de la société, ou alors valent en moyenne mais non pour tous. Une femme n’est pas naturellement destinée à être nécessairement douce, gracile, occupée aux tâches ménagères et au soin des enfants. Un homme n’est pas cantonné à un rôle de macho fort et bourru, et ainsi de suite. Cette compréhension devrait justement pouvoir aider à assouplir l’image que l’on se fait d’un sexe ou l’autre.
Aider à accepter sexe biologique et caractéristiques identitaires
Ne pas se reconnaître dans l’image projetée sur un genre donné ne devrait pas conduire à remettre en cause son sexe. Pourtant, certains discours sur la question donnent presque à penser que parfois une âme masculine s’est égarée dans un corps féminin, ou l’inverse, et que seule la transition rétablira l’harmonie. Comme si l’on revenait quasiment à une ontologie platonicienne, alors que tout le propos était justement de nier que l’âme ou la personnalité soit conditionnée par le sexe. Ou alors, à l’inverse, la transition est justifiée par la liberté de choix : on pourrait choisir librement son sexe. Mais alors, fait-on bien de s’affranchir du donné biologique ? Il est normal de passer par des questionnements voire des malaises identitaires, en particulier autour de la puberté. Mais fait-on bien de proposer de lourds traitements hormonaux et de tailler dans la chair ? Ne ferait-on pas mieux de chercher avant tout à aider à la construction d’une identité qui incorpore le sexe biologique tout en libérant des clichés sur le genre ? Tient-on assez compte du caractère irréversible des traitements, surtout sur des mineurs ? Amour, soutien et acceptation sont essentiels, mais l’on devrait accepter simultanément le sexe biologique et les caractéristiques identitaires personnelles et aider les jeunes gens à le faire.
Jean-René Moret, pasteur dans l’Église évangélique de Cologny
Cet article est paru dans la rubrique « L’invité » de la « Tribune de Genève ».