Le flux de réfugiés à l'assaut de l'Occident nous touche tous. Leur destin nous émeut. Nous sommes troublés par notre impuissance et les sentiments contradictoires qui nous habitent...
Alors que la population occidentale s'interroge avec inquiétude et cherche à mettre en œuvre des stratégies qui souvent sont dépassées à peine mises en place, j'aimerais apporter un éclairage qui me perturbe.
Les Occidentaux complices de Daesh
La prise de Palmyre par Daesh, le 21 mai 2015, est extrêmement troublante. Pour atteindre Palmyre, que ce soit en venant de Raqqa au nord ou que ce soit en venant de Deir-el-Zor à l'est, les troupes de Daesh ont dû traverser 250 km de steppe désertique. Expliquez-moi pourquoi la coalition occidentale n'a pas bloqué la colonne de blindés de Daesh, qui se trouvait totalement à découvert. La progression de cette colonne a été suivie heure par heure par les drones américains. Je suis troublé par les affirmations du président Obama, pour lequel j'ai par ailleurs de l'estime; il a dit que l'opération contre Daesh «est une campagne à long terme et qui prendra du temps». Manifestement Daesh est instrumentalisé par l'Occident pour une cause plus ou moins obscure, liée à la politique globale dans la région. Beaucoup prétendent que les gouvernements occidentaux voient Daesh comme leur propre outil pour provoquer un changement de régime en Syrie. Ainsi Daesh bénéficie du soutien explicite ou implicite de l'Occident, qui joue là un jeu terriblement dangereux.
Cesser l’embargo sur la Syrie
Autre remarque troublante. Personne ne nie que le régime de Bachar al Assad soit totalitaire et violent. Il convient en effet de le sanctionner d'une manière efficace. François Hollande a encore rappelé ce 25 août 2015, sa volonté de « neutraliser » Bachar. Or, en frappant la Syrie d'embargo, ce n'est pas Bachar qu'on sanctionne mais son peuple. Les Syriens forment la majorité des réfugiés qui abordent sur l'ile de Cos, avant de remonter vers le nord de l'Europe. Un guide syrien, fin connaisseur de son pays, me disait la semaine dernière : « Cessez l'embargo de la Syrie et vous n'aurez plus aucun réfugié syrien. »
Et pendant ce temps, les chrétiens, les Yesidies et des minorités musulmanes souffrent, voire sont décimés. L'invasion de l'Irak en 2003 par la droite américaine, invasion maintenant unanimement réprouvée, a produit en 10 ans ce que 1000 ans d'islam n'avait pas réussi à atteindre : Bagdad et Mossoul ont été vidées de 80% de leur population chrétienne !
Arrêtez la catastrophe !
Ce sont évidemment les éléments les plus faibles de la population qui souffrent de ces crises à répétition dont l'Occident est l'artisan. La moitié des élèves du centre de Tahadi à Beyrouth sont des Syriens, nous a affirmé Catherine Mourtada, une envoyée du Service de missions et d’entraide de la FREE (SME). Son admirable action n'est qu'une goutte dans l'océan de malheur d'une enfance massacrée. Des dizaines d'églises sont détruites. Les chrétiens fuient leur pays. Ils cherchent refuge dans les pays voisins : les orthodoxes au Liban ou en Turquie, les Arméniens en Arménie. D'autres s'accrochent avec courage. A Damas, un pasteur baptiste a développé dans sa communauté un fantastique mouvement de solidarité sociale. D'autres le font dans leurs communautés respectives. Le pasteur arménien de l'Eglise évangélique d'Alep a mis sa famille en sécurité à Beyrouth, mais lui retourne régulièrement à Alep pour prendre soin des membres de sa communauté. Face à un tel déferlement de folie, nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous devons avoir du discernement et éveiller la conscience de nos politiciens pour qu'ils entreprennent tout ce qui est en leur pouvoir pour faire cesser cette catastrophe !
Jean-Jacques Meylan, pasteur de la FREE et président de la Communauté des Eglises chrétiennes du canton de Vaud (CECCV)
Une célébration œcuménique aura lieu le vendredi 4 septembre à 19h30 à la basilique Notre-Dame à Lausanne en faveur des chrétiens persécutés. Plus d’infos.