Bien sûr, ils ont les infrastructures qui leur permettent d’accueillir des réfugiés. Mais ce qui frappe, c’est le mot « bénédiction » qu’Anne-Christine utilise pour parler de l’expérience. « Cela nous ouvre le cœur. Et l’esprit. Cela nous amène parfois dans des lieux inconfortables, mais c’est bien : cela nous maintient jeunes… et nous le vivons comme une vraie bénédiction ! » Cela fait huit semaines que le couple Ruslan et Anya sont à Ovronnaz avec leurs cinq garçons. « J’ai connu le papa il y a bientôt dix ans grâce aux conférences sur les enfants données dans le monde. Il était impliqué dans une association appelée « Ukraine sans orphelins », raconte celle qui est aussi membre du comité de direction de la HET-PRO. Il était déjà venu en Suisse pour se remettre d’un burn-out, puis en vacances avec sa famille quand il participait aux 40 ans du Mouvement de Lausanne, en 2014. Cette année, il m’a écrit quand il y avait 150'000 soldats russes à leurs frontières pour savoir si notre chalet était libre. Malheureusement, il était occupé, mais nous leur avons prêté notre chalet privé juste à côté. Ils sont arrivés deux semaines avant l'invasion russe. Ils ont eu la conviction qu'il leur fallait partir. »
« Praying for Ukraine »
Anne-Christine monte tous les 15 jours les rejoindre dans la station valaisanne et discute avec eux de la situation en Ukraine. Ruslan garde cette attention sur les orphelins et se désole du sort qui leur est réservé dans le conflit. Il est très actif sur un groupe WhatsApp intitulé « Praying for Ukraine » où il donne des informations, dont celle-ci : des enfants auraient été kidnappés à Marioupol par les Russes. Comme monnaie d’échange contre de futurs prisonniers de guerre ?
Mêmes valeurs
En 2016, c’est un couple kurde syrien de confession musulmane que le couple suisse a accueilli dans la maison qu’il habitait à Epalinges (VD). « Nous avions un petit appartement indépendant au sous-sol et Nouri et Midia ont pu y prendre leurs marques pour s’intégrer. La femme était alors enceinte et j’ai assisté à son accouchement au CHUV à sa demande. Nous nous sommes vraiment attachés les uns aux autres. Ce sont aujourd’hui nos enfants par le cœur, dit Anne-Christine. Avec mon mari Raymond, on a senti que l’on partageait des mêmes valeurs comme la droiture, la confiance, l’amitié. » Le couple est resté 18 mois chez eux avant que le Centre social d’intégration des réfugié (CSIR) leur trouve un appartement à Bussigny. Ils ont maintenant un deuxième enfant et Midia suit une formation d’assistante dentaire. « Nous restons très proches. Le mercredi après-midi, je prends parfois leur fille Ella pour faire quelque chose avec elle. Des liens forts se sont tissés ».
Une bénédiction
Mais qu’est-ce qui motive la septuagénaire à ouvrir ainsi sa porte ? « Cela fait partie de moi, estime-t-elle simplement. Je pense avoir vécu dans une atmosphère d’accueil alors que mes parents recevaient beaucoup de personnes de partout dans le monde. Mon père voyageait pour ses affaires et rencontrait aussi beaucoup de missionnaires puisqu’il a fondé ce qui allait devenir Le Grain de Blé International. Pour moi, c’est naturel, pas même un effort, assure-t-elle. Et puis je me mets à leur place : si je devais quitter la Suisse, aller où je ne connais personne… » Anne-Christine réfléchit puis ajoute : « J’ai personnellement déjà été accueillie à l’étranger d’une façon désintéressée qui m’a beaucoup touchée. Alors pourquoi ne pas recevoir celles et ceux qui fuient des situations particulièrement douloureuses alors que je peux le faire ? »
Gabrielle Desarzens