Paris : un pasteur évangélique préside une manifestation « Stop Daech »

lundi 14 décembre 2015

Dimanche dernier, des responsables d’associations religieuses musulmanes et chrétiennes ont rassemblé une centaine de personnes pour dire Stop à Daech. Ils ont demandé à l’Etat français de faire de la lutte contre ce mouvement terroriste une priorité.

Le dimanche 13 décembre, une centaine de personnes ont manifesté pour dire « Stop Daech » sur le parvis des Droits de l’homme au Trocadéro à Paris, juste en face de la Tour Effel. L’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, le journaliste responsable de l’émission musulmane sur France 2, Ghaleb Bencheikh, et Patrick Karam de la Coordination des chrétiens d’Orient en danger (CHREDO) ont notamment pris la parole, alors que le pasteur Saïd Oujibou conduisait le déroulement de la manifestation. Des banderoles avec les slogans « Parce qu’ils n’aiment personne, ils croient aimer Dieu » ou « La fin de l’espoir est le commencement de la haine ».

Une déclaration de résistance face à la barbarie

Pour Ghaleb Bencheik, par ailleurs président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, une telle manifestation « permet de dire et de clamer que la barbarie du 13 novembre notamment, ne mettra pas les Français à genoux. Il y a là d’une déclaration d’insoumission et de résistance face à l’horreur et à l’épouvante. » Il a surenchéri en relevant qu’« il était temps que les ‘hiérarques’ musulmans, soit les imams, disent des choses fortes sur le plan théologique et spirituel. On ne peut se prévaloir d’un idéal religieux et tuer au nom de Dieu », a-t-il ajouté.

L’imam de Bordeaux Tareq Oubrou a souligné la responsabilité des imams et des théologiens musulmans dans les violences de janvier et de novembre derniers. Il a dénoncé une double importation de l’islam : du point de vue historique, une importation du Moyen Age, et, du point de vue géographique, une importation d’une autre aire que la civilisation occidentale. « Cette double importation nuit aux enfants de la République », a-t-il lancé.

Sur le pavé chaque trimestre

Saïd Oujibou s’est adressé aux parents musulmans en leur disant qu’il ne fallait pas qu’ils se laissent emprisonner par le sentiment que leurs enfants étaient en échec. « Nous aimons notre communauté, a-t-il conclu. Que Dieu bénisse la communauté musulmane de France. Que Dieu bénisse la France ! »

Camel Bechick de l’association Fils de France a clos la série de discours en annonçant que cette manifestation se renouvellerait tous les trois mois, tant que le prétendu Etat islamique ne serait pas éradiqué.

Serge Carrel

  • Encadré 1:

    Saïd Oujibou explique les raisons de sa participation à « Stop Daech »

    Il est connu dans le monde évangélique pour ses spectacles « Liberté, égalité, cousous » et « Le fils prodigue en vo ». Le pasteur évangélique Saïd Oujibou comptait parmi les organisateurs de la manifestation de Paris « Stop Daech ». Il en explique les raisons.

    Pourquoi êtes-vous impliqué dans cette manifestation ?

    Parce que j’ai été touché personnellement par ces attentats. Nous avons appris froidement par des journalistes que le frère du mari de ma nièce, Ismaël Omar Mostefaï, s’était fait exploser au Bataclan. J’étais ce soir-là avec ma petite-nièce et son mari, et ça a été un moment très douloureux. Ma nièce a été arrêtée pendant trois jours et j’ai moi-même été interrogé par la cellule antiterroriste pendant quelques heures. Nous voyons cela régulièrement à la TV, et c’est chez les autres ! Mais quand ça frappe un de vos proches, c’est quelque chose de douloureux. Psychologiquement, vous avez l’impression que tout s’arrête. Voilà la raison pour laquelle je participe à cette manifestation. Il s’agit de dénoncer cet acte odieux et barbare avec mes frères en humanité musulmans et de dire : #stopdaech.

    Est-ce la première fois que vous mettez en place une manifestation avec des représentants de la communauté musulmane ?

    Non, ce n’est pas la première fois que nous sommes impliqués dans de telles manifestations. D’ordinaire, ces manifestations ne ressemblent pas à celle-ci, mais, vu les circonstances, j’ai été très heureux de pouvoir m’associer à Tareq Oubrou, le grand imam de Bordeaux, et à Ghaled Bencheikh. Dans cette période troublée, nous avons essayé de nous associer à d’autres imams, mais beaucoup sont un peu frileux et hésitent. Nous allons avec Camel Bechick élargir le cercle et nous déplacer en province pour réveiller les consciences par rapport à ce phénomène qui, de plus en plus, gangrène nos quartiers et nos banlieues. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un contre-dicours religieux pour affronter ce radicalisme.

    Quel discours contre-religieux envisagez-vous de mettre en place ?

    Nous souhaitons organiser un espace de parole où nous rencontrons cette jeunesse. Nous ne sommmes pas là pour la culpabiliser, ni pour la victimiser, parce que c’est un abîme sans fond, mais pour dénoncer les exactions qui sont commises, cela avec des hommes qui connaissent l’islam et qui sont éclairés. Nous avons aussi des repentis, des jeunes qui ont été violés psychologiquement et mentalement et qui sont sortis de Daech. Ils peuvent témoigner de ce qu’ils ont vécu. Nous souhaitons aussi parler avec les parents, parce que c’est avec eux qu’il importe de collaborer. A notre avis, 80 pour cent de la réussite de cette démarche de prévention sera imputable aux parents.

    Les représentants musulmans qui ont participé à la manifestation « Stop Daech » se rattachent pour la plupart à l’aile « éclairée » ou « libérale » de l’islam de France. A quoi imputez-vous cela ?

    Il n’est pas très évident de faire l’unanimité dans la diversité des associations musulmanes de France. Nous souhaitons aller à la rencontre de ces responsables de communauté et, petit à petit, nous espérons pouvoir convaincre d’autres représentants pour dénoncer une cause qui nous est commune.

    Qu’apporte le fait que vous soyez pasteur protestant, de sensibilité évangélique, dans une telle manifestation ?

    En tant que pasteur, il est de ma responsabilité aujourd’hui d’être présent aux côtés de la communauté musulmane et les chrétiens doivent être présents dans ce combat. Il faut savoir qu’il y a des catholiques convertis à l’islam radical. Nous avons aussi dans nos banlieues des jeunes radicalisés qui viennent d’arrière-plans protestants. Les parents sont aussi concernés par ce phénomène-là. En tant que pasteur, je ne souhaite pas rester dans mon ghetto, mais sortir à la rencontre de nos frères et de nos amis musulmans. C’est hautement nécessaire pour l’avenir du pays !

Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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