Noël 2014 : accueillir des Roms à sa table

lundi 15 décembre 2014

Octogénaires, Simone et François Givel ont sympathisé avec des femmes roms qui faisaient la manche à Yverdon-les-Bains. Scandalisés de les savoir dormir dehors, ils leur ont prêté leur appartement. Rencontre.

« J’ai été très en colère ». Simone Givel, 80 ans, amène un classeur dans lequel elle a répertorié les démarches qu’elle a faites pour venir en aide à Mirela, 24 ans, et à sa maman Tito, 52 ans, toutes deux ressortissantes roms de Roumanie. « C’est quand j’ai vu que la police les avait amendées pour avoir dormi dehors dans un parc de la ville que tout a commencé, explique-t-elle. Elles devaient chacune s’acquitter de 150 fr. sans avoir commis d’autre délit que celui de n’avoir pas trouvé de lit pour la nuit. »

Membre de l’Eglise évangélique des Uttins (FREE) avec son mari François, 83 ans, Simone ne s’en laisse pas conter. Ce matin de novembre, elle reçoit une nouvelle lettre de la municipalité d’Yverdon-les-Bains l’informant avoir « examiné avec attention la situation difficile » qu’elle expose, mais ne disposer malheureusement d’aucune solution ni d’alternative « pour des personnes dont le droit de séjour est lié à la possibilité de trouver un travail sur sol suisse, alors même qu’elles ne disposent probablement pas de formation professionnelle ». L’octogénaire classe cette dernière lettre et commente : « Vous voyez, il semble qu’on ne peut rien faire... C’est un comble, non ? »

Des liens se tissent

Les Givel habitent à proximité de deux supermarchés à Yverdon-les-Bains devant lesquels ces femmes font la manche. « J’ai toujours eu l’habitude de leur donner quelques pièces. Je ne peux pas passer à côté de la misère sans faire quelque chose », dit Simone. Une fois, Mirela lui chante une comptine pour la remercier, de premiers liens se tissent ; une autre fois, elle lui montre l’ordonnance pénale qui la somme de s’acquitter des 150 fr. C’était l’été passé. « Est-ce que la police pense vraiment que cette jeune femme et sa maman dormaient dehors par choix ? »

Après plusieurs courriers sans effet adressés à la commission de police, Simone et François paient eux-mêmes les amendes des deux femmes. Puis les invitent à leur table : « Avant de manger, elles remercient d’abord Dieu de les accueillir », relève Simone, qui se dit touchée de la joie que Mirela et Tito parviennent malgré tout à manifester. De fil en aiguille, le couple leur offre de dormir dans une chambre de leur logement, car le centre d’hébergement d’urgence La Lucarne ne peut les accueillir... « J’y suis moi-même allée pour m’entendre dire que la structure était pleine et que, de toutes façons, leur quota de cinq Roms était déjà atteint », souligne Simone, non sans ajouter avoir essuyé au passage des paroles peu aimables sur cette population... A la veille de leurs vacances d’été, aucune solution ne se dessine. « Nous avons alors décidé de leur donner les clés de notre appartement. »

Frères et sœurs

Bien sûr, cette générosité a suscité beaucoup de perplexité... Le couple se regarde, hausse les épaules : « Ce qui nous a fait agir ainsi, c’est aussi tout ce qu’on raconte au sujet des Roms, et même dans l’Eglise : on les traite de voleurs, on les accuse de ne pas vouloir travailler alors que c’est leur vœu le plus cher... Et puis on a voulu appliquer ce qu’on avait compris dans notre foi chrétienne, comme ces mots de l’évangile de Matthieu où Jésus nous invite à donner à boire à ceux qui ont soif, à manger aux affamés... on a voulu le faire dans la limite de nos moyens ! » Le couple indique aussi concevoir la notion de frères et sœurs au-delà des seules sphères chrétiennes. Ce sont alors leurs sœurs qui dorment dehors par tous les temps, leurs sœurs qui doivent tendre la main pour espérer gagner un peu d’argent, « un geste que j’aurais personnellement beaucoup de mal à faire », commente Simone.  

« Il commence à faire froid... »

François amène du café. Quelqu’un sonne à la porte : Mirela entre, bientôt suivie de sa maman. Les retrouvailles sont chaleureuses. Venues expressément sur demande des Givel pour faire connaître leur situation, ces deux femmes roms témoignent de la difficulté de survivre dans leur pays, « où il n’y a pas d’argent ». Elles habitent en Roumanie la région de Târgu Mures, au nord-ouest de Bucarest. Ici en Suisse, elles disent gagner quelque 20 fr. par jour en faisant la manche à Yverdon-les-Bains. Le mari de Tito a une santé fragile. Il vient de se faire opérer en Roumanie de la vésicule ; les soins coûtent cher... Sa femme et sa fille lui envoient tout ce qu’elles peuvent. L’avenir ? « J’espère ne pas devoir dormir trop souvent dehors, car il commence à faire froid », indique Mirela en souriant. Elle remercie pour le café, les biscuits. Puis explique recevoir parfois des commentaires agressifs : « Des gens me demandent pourquoi je suis venue ici, pourquoi je ne suis pas restée dans mon pays... » Elle pleure.

Le couple Givel n’a aujourd’hui plus la force de recevoir les deux femmes pour dormir, mais espère que d’autres Suisses ouvrent leur maison à cette population fragilisée. « Noël qui approche devrait être la fête de l’amour, glisse Simone. Ce serait bien qu’on en fasse un peu plus preuve en Suisse. »

Gabrielle Desarzens

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