« J’ai l’impression d’avoir été entendu », a commenté le pasteur Norbert Valley au sortir de son audition par le Ministère public le jeudi 11 avril à Neuchâtel. Condamné à 1000.- d’amende avec sursis le 15 août dernier pour avoir hébergé et donné à manger à un requérant d’asile togolais débouté, le pasteur de la FREE avait fait recours. « Je me réjouissais de pouvoir m’expliquer, a-t-il ajouté, parce que j’estime qu’être condamné sans pouvoir être entendu, c’est bizarre ! »
Selon l’avocat, l’affaire devrait être classée
Selon Maître Olivier Bigler, l’avocat de Norbert Valley, l’affaire devrait être classée, « si les membres du Ministère public, qui sont des personnes rationnelles et intelligentes, le sont autant que je le pense », a-t-il commenté. Il faudra toutefois attendre trois à quatre semaines pour connaître la décision des instances judiciaires neuchâteloises. Si l’affaire est classée, le pasteur Norbert Valley sera innocenté. Si l’affaire ne l’est pas, le pasteur du Locle et de Morat sera renvoyé devant le Tribunal de police, puis devant le Tribunal cantonal, puis devant le Tribunal fédéral, et enfin devant la Cour européenne des droits de l’homme. Norbert Valley souhaite en effet aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire et montrer que la mise en œuvre de l’amour du prochain par un pasteur et par un citoyen ordinaire est licite.
Une manifestation à 8h30 devant la statue du Réformateur Farel
Ce jeudi à 8h30, une petite centaine de personnes s’étaient retrouvées sur la place de la Collégiale à Neuchâtel pour témoigner de leur solidarité avec Norbert Valley. Organisée par Amnesty International, cette manifestation a rassemblé notamment des représentants du Groupe de Saint-François de Lausanne, de la communauté catholique Sant’Egidio, de l’ACAT (Action pour l’abolition de la torture) et de la FREE.
Lors de son discours proclamé devant la statue du Réformateur Guillaume Farel, Norbert Valley a lu la citation que met en avant la statue du célèbre protestant : « La Parole de Dieu est vivante et efficace, et plus pénétrante qu’un glaive a deux tranchants. » Puis, il a souligné que les réformateurs avaient été au XVIe siècle les promoteurs de la liberté de conscience, ce que lui aussi souhaite promouvoir au travers du procès qui lui est fait pour avoir secouru un requérant débouté. « Martin Luther, a continué Norbert Valley, a dit devant la diète de Worms, alors qu’il devait défendre son action réformatrice face à l’Eglise en place : ‘Ma conscience est captive de la Parole de Dieu. Je ne veux et ne peux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience’. » Condamner aujourd’hui celles et ceux qui agissent pour faire le bien, a complété Norbert Valley, c’est les empêcher de vivre selon leur propre conscience. « Jésus a résumé toute la loi en une phrase : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme… et ton prochain comme toi-même. Nous condamner, c’est nous empêcher d’aimer notre prochain, ce qui est une valeur fondamentale de l’humanité, mais aussi de notre pays. » En final, Norbert Valley a invité les autorités politiques à réviser l’article 116 de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) qui criminalise la solidarité avec les requérants d’asile déboutés. « Je ne suis que le symptôme, a-t-il conclu, d’un mal plus grand qui touche des centaines de personnes qui sont condamnées, et c’est aussi en leur nom que je suis là. Et pas uniquement pour défendre ma cause ! »
Une loi à changer !
Le pasteur Valley a ensuite quitté rapidement la manifestation pour se rendre à son rendez-vous au BAP, le Bâtiment de l’administration de la police, et y être entendu par le Ministère public. Après avoir écouté la représentante d’Amnesty International, Julie Jeannet, les participants à la manifestation se sont déplacés de la place de la Collégiale jusqu’au BAP et la manifestation s’est terminée vers 10h.
« Nous sommes plutôt satisfaits de la participation, a relevé Julie Jeannet. Nous pensions qu’il y aurait peu de monde un jeudi matin… » Pour la représentante d’Amnesty International, nombre de personnes sont indignées et se demandent pourquoi on peut être poursuivi par la justice parce que l’on a aidé quelqu’un. « Il y a un problème dans notre législation et il faut la changer, a-t-elle ajouté. En tout cas cela fait plaisir de voir que beaucoup ne sont pas indifférents à cette question-là ! »
Serge Carrel