« Je vais prendre ma retraite en novembre prochain ! » Pendant ces deux dernières années, le pasteur Norbert Valley est devenu l’un des évangéliques les plus médiatisés de Suisse. Condamné par la justice neuchâteloise en août 2018 pour avoir donné à manger et hébergé un requérant d’asile débouté, il a finalement été libéré de toute charge. Le Parquet neuchâtelois a en effet décidé de ne pas faire appel de la décision du Tribunal des montagnes à La Chaux-de-Fonds, tombée le 12 mars dernier.
Libéré d’un poids !
« On est reconnaissant lorsqu’on est définitivement acquitté. La pression s’en va et cela fait du bien d’être libéré d’un poids qui a pesé durant deux ans sur ses épaules », confie celui qui va quitter fin octobre ses activités pastorales, partagées entre l’Eglise évangélique de l’Arc jurassien, qui se retrouve actuellement à La Chaux-de-Fonds, et le Centre FREE de Morat.
Emblème avec la Bâloise Anni Lanz de la « criminalisation de la solidarité » en Suisse, Norbert Valley ne va pas cesser, la retraite venue, toute activité en lien avec les requérants d’asile. Il envisage tout d’abord de continuer à soutenir son ami togolais débouté. « Il est toujours en mode survie dans ce pays, caché… Et le coronavirus n’a pas aidé la situation. » Le pasteur Valley veut continuer à l’aider afin qu’il puisse obtenir un statut légal qui lui permettra de vivre en paix en Suisse.
Norbert Valley ne souhaite pas non plus abandonner sa lutte pour la modification de l’article 116 de la Loi sur les étrangers qui lui a valu sa condamnation. « Je vais continuer à m’engager dans ce domaine et probablement le faire via le Parti évangélique (PEV), avec pour objectif de promouvoir des lois plus justes et un meilleur partage des richesses entre les habitants de ce pays. »
« Ce qui est légal n’est pas toujours légitime ! »
Les deux ans de démêlés avec la justice ont permis au pasteur Valley de développer un discours rôdé par rapport à la pertinence de la désobéissance civile dans notre société. « Il faut toujours résister quand une loi est injuste. Souvent dans notre société, on confond ce qui est légal et ce qui est légitime. Les lois changent et elles ne sont pas toujours légitimes. » Et au pasteur Valley de citer l’exemple de la loi qui l’a condamné et qui, jusqu’en 2008 et sa révision, prévoyait, dans le domaine de l’aide aux étrangers, une exemption de condamnation pour motif de conscience. « Je ne peux dire aux gens que Dieu les aime et, lorsqu’ils sont dans la détresse, leur lancer simplement : ‘Au revoir et bonne suite !’ »
Lorsqu’on évoque devant lui des textes bibliques comme l’invitation à la soumission aux autorités à laquelle l’apôtre Paul enjoint dans Romains 13, Norbert Valley relève qu’il y a de nombreux récits ou textes de la Bible qui montrent qu’une autre attitude est possible. Les sages-femmes qui, avant l’exode du peuple hébreu, ont désobéi à Pharaon et n’ont pas assassiné les nouveau-nés mâles (Exode 1.15-22). Les apôtres qui, devant un tribunal, alors qu’on leur demandait d’arrêter de prêcher Jésus ressuscité, ont invoqué le fait qu’il fallait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes 4.19). Et le pasteur de convoquer ensuite des grandes figures du protestantisme comme Marie Durand qui, dans sa prison de la tour de Constance à Aigues-Mortes (F), a écrit « REGISTER » (Résister) sur la margelle d’un puits d’approvisionnement. Comme la Hollandaise Corrie ten Boom qui a caché des juifs chez elle pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils étaient pourchassés par les Nazis. « Chaque fois que l’on connaît ce genre de situation, il faut s’engager, quel qu’en soit le prix », souligne-t-il.
L’accueil du pauvre au cœur de 41 ans de pastorat !
Tout au long de ces deux ans de face-à-face avec la justice, Norbert Valley considère que la personne de Jésus-Christ a joué un rôle fondamental dans son engagement. « Lorsque j’ai rencontré personnellement Jésus, ce qui m’a bouleversé, c’est le Sermon sur la montagne dans l’évangile de Matthieu, et aussi le chapitre 25 de ce même évangile où Jésus nous dit : ‘J’étais étranger et vous m’avez accueilli’. Jésus-Christ est toujours là… et accueillir celui qui est dans la détresse, c’est toujours accueillir le Christ ! »
Pour celui qui a déjà 41 années de ministère pastoral derrière lui, l’accueil du pauvre, du marginal, a constitué le cœur de son activité de pasteur. « En 1979 déjà, avec mon épouse, nous avons accueilli au sein de notre famille des gens dans la détresse. Nous avons fait cela pendant 14 ans jusqu’au moment où nos enfants ont été adolescents et qu’il devenait compliqué d’accueillir des toxicomanes qui racontaient leurs différentes façons de faire du business avec de la drogue. »
Pour ce pasteur, l’accueil du marginal est le cœur de l’Evangile et aussi… le cœur de son appel et de son ministère !
Serge Carrel