Amin Abdelmajid défend les victimes de la loi coranique en Suisse (avec émission TV)

Serge Carrel avec une stagiaire vendredi 28 août 2020

Amin Abdelmajid a deux rêves : l’abolition en Suisse des discriminations liées à l’application de la loi coranique et la révision de l’enseignement coranique distillé en terre helvétique par les centres islamiques ou les mosquées. D’origine musulmane, cet habitant de la région lausannoise depuis plus de 50 ans s’engage pour défendre les victimes de la loi coranique en Europe. Rencontre avec un militant peu entendu, qui parle de discriminations personnelles vécues.

 

« Les préceptes du Coran ne doivent plus être enseignés comme des commandements ! » Originaire d’un pays arabe, Amin Abdelmajid (1) s’insurge contre le fait que les commandements d’Allah dans le Coran soient institutionnalisés en tant que lois officielles dans le monde musulman. Ces lois sont basées sur une lecture littérale des versets du Coran qui ne sont pas interprété et mis en perspective à partir de leur contexte du VIIe siècle, parce que les commandements d’Allah sont considérés comme éternels. L’enseignement coranique en Suisse se conforme à ces principes. Dans un contexte où une démarche de reconnaissance d’intérêt public des communautés musulmanes est en cours dans le canton de Vaud, Amin Abdelmajid met le doigt sur certains problèmes liés à l’enseignement des préceptes coraniques et de la jurisprudence islamique en Suisse.

Trois exemples concrets l’indignent particulièrement, lui qui se sent concerné au premier chef.

Les discriminations subies par son fils « adoptif »

Avec son épouse, Amin Abdelmajid a adopté en 1991 un enfant abandonné à la naissance dans son pays d’origine. Dans la loi coranique et dans les codes civils des pays musulmans, l’adoption est interdite. Seule la « prise en charge » (« kafala » en arabe) est autorisée et cette dernière n’octroie ni le droit à la filiation pour l’enfant, ni les droits qui en découlent comme celui d’hériter. Alors que les abandons de nouveau-nés dans les pays musulmans sont de plus en plus nombreux, les enfants issus de grossesses hors mariage sont stigmatisés à vie à leur insu, dans des cultures où l’identité est étroitement liée à l’ascendance masculine.

Aujourd’hui Ismaël (1), ce fils considéré comme « adopté » en Suisse, n’a pas le droit d’être inscrit dans le livret de famille d’Amin. De plus, il est exclu des droits dont les autres enfants du couple disposent à cause de la loi musulmane. Au bénéfice de la nationalité suisse, Ismaël est toujours considéré par la juridiction de son pays d’origine comme un « pupille de la nation » en français et comme un « fils de la prostitution » en arabe. Ce statut l’a empêché de recevoir la nationalité américaine, comme les autres enfants et petits-enfants du couple, parce que sa mère adoptive ne figurait pas sur son acte de naissance.

Amin Abdelmajid est particulièrement sensible à ce statut de l’enfance abandonnée, parce qu’il a vécu lui-même, dans sa fratrie, avec une fille abandonnée à cause de la pauvreté par ses parents biologiques qui étaient des nomades. « A cause des interdits coraniques, elle n’a pu considérer mon père comme son « papa ». Elle portait un autre patronyme et ne faisait pas partie de la fratrie. » Lorsqu’Amin Abdelmajid l’a revue pour la dernière fois, elle le tenait dans ses bras en disant : « Mon frère ! mon frère ! Comme je suis heureuse de te revoir ! » Amin n’a pas pu lui répondre : « Ma sœur ! » « Je ne pouvais pas la considérer comme ma sœur au même titre que mes autres sœurs, à cause des interdits du Coran. Elle est décédée peu de temps après, et je n’ai jamais prononcé à son endroit les mots ‘ma sœur !’ », ajoute-t-il, la voix chargée d’émotion. « Tout cela à cause de la loi d’Allah ! »

Une fille considérée comme une prostituée parce que mariée à un Occidental

D’autre part, Amin Abdelmajid est choqué du fait que les autorités des pays musulmans ne reconnaissent pas le mariage d’une musulmane avec un non-musulman. Alors qu’un homme a le droit d’épouser jusqu’à quatre femmes, parmi lesquelles des non-musulmanes, une femme n’a pas le droit d’épouser un non-musulman. Les préceptes du Coran et les lois civiles qui en découlent interdisent ce type de mariage. En conséquence, sa fille, Haïcha (1), qui a épousé un non-musulman, ne bénéficie pas de la reconnaissance de son mariage dans les pays musulmans. D’après les textes sacrés de l’islam, sa relation à son mari relève de la prostitution. « Il s’agit d’une discrimination majeure à l’égard des femmes », s’insurge Amin Abdelmajid.

« Aujourd’hui, si Haïcha se rendait dans notre pays d’origine, explique-t-il, elle n’aurait pas le droit de réserver une chambre d’hôtel avec son mari. La police des mœurs pourrait l’arrêter sous prétexte de ‘prostitution’ ! » Actuellement, cette maman de deux enfants n’a plus de passeport du pays d’origine de son père, parce que le renouvellement de ce document d’identité ne pourrait se faire que si elle reprenait son nom de jeune fille et se qualifiait de célibataire.

Les discriminations pour ceux qui changent de religion

Amin Abdelmajid est aussi outré par les conséquences qu’un changement de religion entraîne dans la vie quotidienne. Outre le fait d’être considéré comme un « apostat », celui qui change de religion est exclu de l’héritage de ses parents. Il importe aussi de taire ce changement de conviction profonde, parce que si celui qui a quitté l’islam, en parle et justifie son choix, cela constituerait, aux yeux de la loi de son pays d’origine, une offense à l’islam. Avec comme sanction : une amende salée, de la prison et parfois même la peine de mort ! Alors que nombre de communautés musulmanes recherchent la reconnaissance des Etats européens, Amin Abdelmajid se dit « choqué que le Conseil européen de la fatwa ait émis plusieurs avis juridiques dans lesquels il confirme que la sanction de l’apostat doit être la mort » !

***

Que l’on prenne la situation d’un enfant adopté, d’une femme qui a épousé un non-musulman ou d’un musulman d’origine qui a changé de religion, Amin Abdelmajid est surpris par le fait que la législation helvétique accepte la législation des pays musulmans et ne dénonce pas ces « discriminations à caractère raciste »… « Alors que la Suisse se présente comme un des porte-étendards des droits de l’homme », relève-t-il, un brin désespéré. Ce résident de la région lausannoise place toutefois quelques espoirs dans le fait que l’islam européen soit capable de condamner les discriminations liées à l’application de la loi coranique et de ne plus enseigner les versets du Coran qui instaurent ces discriminations. « Peut-être que la reconnaissance d’intérêt public des communautés musulmanes, comme celle qui est conduite actuellement dans le canton de Vaud, pourrait y contribuer ! »

Serge Carrel avec l’appui d’une stagiaire

Note
1 Nom d’emprunt
  • Encadré 1:

    Un spécialiste du droit comparé se prononce sur ces « discriminations »

    Sami Aldeeeb est un spécialiste du droit comparé. Longtemps responsable du droit arabe et musulman à l’Institut de droit comparé dans le cadre de l’Université de Lausanne, il a accepté d’éclairer de son regard de spécialiste les « discriminations » d’Amin Abdelmajid.

    Comment percevez les discriminations dont se sent victime Amin Abdelmajid ?

    Si ces mesures étaient appliquées en Suisse, cela serait effectivement considéré comme des discriminations. Le problème, c’est que nous nous trouvons face à ce que l’on appelle en langage juridique un conflit de lois. Les pays de traditions musulmanes disposent de normes qui sont basées sur la religion ; la Suisse ne tient pas compte des normes religieuses et, comme l’on dit : « Charbonnier est maître chez soi ». Chacun décide de ce qu’il veut chez lui.

    Qu’il y ait discrimination, personne n’en doute. Mais la Suisse n’y peut rien dans ce domaine-là. Elle ne peut pas imposer ses normes aux pays marqués par la tradition musulmane et ces pays ne peuvent déterminer les normes qui prévalent en Suisse.

    Y aurait-il un moyen de mettre un terme aux discriminations dont est victime Amin Abdelmajid ?

    Oui et non ! D’un côté, il y a une personne qui souffre et pour laquelle on peut avoir de la compassion. Mais par ailleurs, je crains que cela ne soit pas possible puisqu’il s’agit d’un problème de conflits de lois. Et vous allez rencontrer ces problèmes de conflits de lois non seulement entre la Suisse et des pays musulmans, mais aussi entre la Suisse et les Etats-Unis, ou entre la Suisse et d’autres pays.

    Comment réagissez-vous quand des institutions musulmanes enseignent ici en Suisse des propos qui vont dans le sens des discriminations qui sont pratiquées dans les pays musulmans ?

    Si une instance religieuse en Suisse enseigne des enseignements contraires à la Constitution helvétique, la solution est simple : personnellement, je mets la personne dans un avion et je la renvoie dans son pays d’origine ! C’est tout simple et il n’y a pas d’autre possibilité ! On ne peut pas changer la mentalité des gens. Si certaines personnes ne peuvent pas comprendre, elles doivent savoir qu’en Suisse il y a des lois à respecter.

    Voici un exemple très simple : en Angleterre, on conduit à gauche ; en Suisse, à droite. Si la reine d’Angleterre vient en Suisse et qu’elle conduise à gauche, dans un premier temps, on lui dira gentiment, vu que c’est la reine d’Angleterre, qu’en Suisse on conduit à droite. Si le deuxième jour elle s’obstine, on la renverra chez elle en disant que notre loi s’applique chez nous et que la conduite à gauche c’est pour chez elle !

    Si quelqu’un enseigne des enseignements qui sont contraires au droit suisse, je me comporterais avec lui comme avec la Reine d’Angleterre dans mon exemple !

    Propos recueillis par Serge Carrel

  • Encadré 2:

    Amin Abdelmajid à « Ciel ! Mon info »

    Amin Abdelmajid a été reçu par Serge Carrel dans le cadre de l’émission « Ciel ! Mon info » sur DieuTV pour parler des discriminations dont sont victimes les citoyens originaires des pays musulmans.

    L’émission « Ciel ! Mon info » est diffusée du lundi au vendredi à 20h sur DieuTV-Theotv par les principaux providers de programmes TV de Suisse romande, sur le satellite ou sur le web.

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