« Nos sociétés européennes véhiculent des valeurs non négociables : la liberté, l’égalité homme-femme, la pluralité des visions du monde et le droit de changer de religion. » Avec la parution de L’islam conquérant, Shafique Keshavjee lance un cri d’alarme. Ce spécialiste des religions, pasteur réformé, docteur en sciences des religions de l’Université de Lausanne, ancien professeur de théologie à Genève, souhaite réveiller les consciences des citoyens et des politiques devant une « banalisation » de l’islam.
L’islam est aussi un projet politique et une stratégie militaire
A l’heure où, en Europe, nombre de communautés musulmanes demandent une certaine reconnaissance de l’Etat et de l’opinion publique, Shafique Keshavjee rappelle que l’islam n’est pas une religion comparable au christianisme, comme beaucoup le pensent. Il est certes une spiritualité communautaire, mais il est aussi un projet politique et une stratégie militaire.
Fort de cette distinction, le spécialiste du dialogue interreligieux, fondateur d’une maison du dialogue à Lausanne, classe les diverses communautés musulmanes en 6 familles ou « 6 couleurs » : celles qui se contentent d’être une spiritualité communautaire, donc de séparer le religieux du politique, et celles qui véhiculent un projet politique, voire un projet de conquête via la guerre sainte.
Une religion en 6 couleurs
L’islam libéral ou laïc, l’islam mystique ou soufi et l’islam culturel ou maraboutique peuvent être appréhendés comme des religions et devraient pouvoir bénéficier d’une reconnaissance en Occident, mais les formes d’islam étatique (turc, marocain, saoudien…) et radical (Frères musulmans, chiite iranien ou Etat islamique…) doivent être cadrées voire combattues au nom des valeurs humanistes et libérales de nos sociétés européennes. « Nous ne devons pas nous laisser conquérir par une vision du monde, qui certes a parfois véhiculé de belles choses dans l’histoire, mais qui aujourd’hui fait beaucoup de dégâts sur la Planète », lance le spécialiste des religions.
Pour fonder la dimension politique et conquérante de l’islam, Shafique Keshavjee présente cette religion à partir de ses textes fondateurs : le Coran, les hadîths et les biographies de Muhammad en mettant en avant 15 directives ou 15 axes qui font de l’islam un « système suprême », une vision du monde particulièrement performante pour viser la conquête et la domination de nos sociétés.
Des questions à poser aux communautés musulmanes
A l’heure des démarches de reconnaissance par l’Etat des communautés musulmanes, Shafique Keshavjee demande aux politiciens d’interroger ces communautés sur ce qu’elles font de l’héritage violent de leur tradition, des textes haineux du Coran présenté comme la parole inaltérable d’Allah, des hadîts (paroles) dits authentiques et pourtant si violents de Muhammad. « Pour pouvoir vivre en paix avec leurs voisins, les musulmans doivent expliquer clairement aux non-musulmans ce qu’ils font des textes violents de leur tradition qui continuent de justifier aujourd’hui encore d’indicibles souffrances à travers le monde », conclut Shafique Keshavjee, lui-même issu d’un arrière-plan musulman.
Serge Carrel
Shafique Keshavjee, L’islam conquérant. Textes, histoire, stratégies, Romanel-sur-Lausanne, Institut pour les questions relatives à l’islam (IQRI), 2019, 232 p.