Un Suisse dans les prisons africaines du Congo RDC

jeudi 08 décembre 2022

Le Valaisan José Mittaz, prêtre et chanoine du Grand-St-Bernard, est actuellement au chevet des détenus de Bukavu et Kabare en République démocratique du Congo. Il met ainsi à profit un temps sabbatique auprès d’une population dans laquelle il dit reconnaître des sœurs et des frères en humanité. Un engagement inspirant dans cette période de l’Avent.

Visiter des détenus africains et nourrir sa foi ainsi auprès de personnes particulièrement marginalisées, c’est le pari a priori un peu fou qu’a fait le prêtre José Mittaz. A 50 ans pile et après un stage de 3 mois dans le centre éducatif fermé de Pramont, en Valais, il s’est laissé interpeler par cette possibilité de seconder le Père Adrien, aumônier de Bukavu.

  • A quoi ressemble une prison en République démocratique du Congo ?

Je visite deux prisons, l’une dans la ville de Bukavu, et l’autre sur la colline à Kabare. Ce sont deux lieux très différents. La prison de Bukavu, construite par les colons belges pour une capacité de 500 personnes, en accueille actuellement quelque 2'000. Elle est au cœur de la ville, entourée de constructions et sans espace vert.  Alors que celle de Kabare se trouve en altitude entourée de champs, que cultivent les détenus, ou plutôt les pensionnaires, comme aime le rappeler la directrice de cet établissement. Ce qui me surprend, à Bukavu, c’est d’être au milieu des prisonniers sans qu’il y ait un seul garde : ils se trouvent à l’extérieur du périmètre même de la prison. J’ai également été surpris de voir que l’aumônier répond d’abord aux besoins de base que sont l’alimentation et l’hygiène, avant d’annoncer la Bonne Nouvelle. Il y a sinon toute une hiérarchie chez les prisonniers, dont plus de la moitié sont des prévenus et n’ont pas encore été jugés.

  • Qu’est-ce qui vous choque dans cette réalité carcérale ?

Il y a le quartier des malades qui est conçu pour 20 personnes et où il y en a 100. J’ai pu voir l’unique « lit » de consultation, en fait une sorte de brancard ; et puis il y avait trois personnes à terre, dont une qui ne pouvait pas parler, qui m’a montré ses poumons et ses aisselles, où il y avait peut-être des ganglions cancéreux ou je ne sais quoi. Il y a aussi un quartier pour les femmes et les enfants. Certaines ont commis des vols, d’autres des meurtres, mais il y en a aussi qui sont là injustement, comme pour les hommes d’ailleurs. L’aumônier Adrien m’a raconté l’histoire de cette femme qui avait donné 6 filles à son mari. Celui-ci l’a répudiée puisqu’elle ne parvenait pas à lui faire un garçon. Elle a ensuite rencontré un autre homme avec qui elle a eu un fils. Son premier mari, en colère, a fait en sorte qu’elle soit emprisonnée. Elle a pu être libérée après 18 mois de détention. Si les détenus ont d’abord besoin de manger correctement, la surpopulation et la justice sont ensuite de vrais problèmes.

  • En quoi consiste le fait d’être aumônier dans une prison africaine ?

La première chose à dire, c’est que je ne me considère pas comme aumônier, mais en stage d’immersion aux côtés de l’aumônier. Et pour moi, il s’agit simplement d’être là. D’ailleurs le Père Adrien le dit très clairement : en Afrique il ne faut pas venir pour faire, il faut venir pour être avec. Et ce que je remarque, c’est qu’à partir du moment où j’essaie de me mettre à hauteur de visage, ma présence peut révéler, signifier, célébrer leur dignité humaine. Et ce que je cherche, c’est la lumière dans le regard de l’autre. Non pas la lui donner, mais par ma présence, refléter une lumière qui est déjà en lui. Les mots sont pauvres, surtout que leur français n’est pas toujours compréhensible et que je ne parle absolument pas leur langue. Mais il y a un échange de vulnérabilité où la vie peut passer.

  • Que vivez-vous d’essentiel au niveau de votre foi ?

L’Evangile qui m’anime ici, c’est « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger, j’étais nu, j’étais malade, j’étais en prison et vous êtes venu jusqu’à moi ». Et peut-être que ce que je touche du doigt, c’est que le Christ, ce n’est pas moi qui l’amène, parce que dans cette page de l’Evangile, ce n’est pas celui qui vient visiter qui est le Christ. C’est celui qui est en prison.

  • Vous êtes très positif. Est-ce qu’il y a des zones d’ombre ?

Je vis ici une espérance. Et le propre de l’espérance, c’est d’être dans une situation complètement obscure, mais d’y voir autre chose que l'obscurité. On a parlé des problèmes de nourriture, des problèmes d’hygiène, mais c’est pénible d’être dans la prison rien qu’à cause de l’odeur. Je suis rentré dans les cellules : vous avez un lieu pour la douche et les toilettes et il y a peut-être 50 personnes dans la pièce. Enfin... Disons plutôt 50 lits superposés et je ne sais à combien ils dorment dedans. A certains moments, j’ai eu l’impression d’être dans un camp de concentration. Je vois des visages complètement amaigris. Mais ce qui fait que je suis porteur d’espérance, c’est quand dans ces visages, où je reconnais la misère, il y a un partage de lumière.

  • Mais qu’est-ce qui s’échange entre vous et ces prisonniers, comme ça, de façon intime ?

La première réponse qui me vient est une parole de Jean de la Croix : un « je ne sais quoi »... Un « je ne sais quoi », où l’humain est comme nourri d’une vie qui circule et que j’appelle Dieu.

Propos retranscrits par Gabrielle Desarzens sur la base d’une émission Babel lumineuse diffusée sur RTS Espace 2 et à écouter ici.

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