Une journée de réflexion fait le point sur les relations entre évolution et foi chrétienne

jeudi 28 janvier 2010

Le tout jeune Réseau des scientifiques évangéliques a frappé fort. Le samedi 23 janvier à Paris, il a rassemblé des chercheurs et des théologiens de haut vol pour faire le point sur les relations toujours un peu tumultueuses entre théorie de l’évolution et convictions évangéliques. Les interventions peuvent être écoutées sur le site de l'association (voir le lien en fin d'article).

Samedi 23 janvier, l’Eglise baptiste de la rue de Sèvres à Paris a accueilli la deuxième journée annuelle du Réseau des scientifiques évangéliques. Quelque 140 personnes ont assisté à une série de conférences et à 9 carrefours autour du thème : « Perspectives bibliques et scientifiques sur l’évolution ». Des conférenciers de haut vol comme le théologien Henri Blocher, le sociologue Sébastien Fath ou le biologiste Pascal Touzet ont apporté un éclairage scientifique, biblique, historique et théologique à ce thème. A l’heure où des sursauts « créationnistes » font la une des médias, chacun des intervenants a inscrit sa contribution dans la possibilité d’une coexistence pacifique entre l’évolution des espèces ou le néo-darwinisme et la foi chrétienne.

Genèse 1 : de la « prose poétique »
C’est Matthieu Richelle, professeur assistant en Ancien Testament à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, qui a ouvert la journée en montrant que le premier récit de création de la Genèse, grâce à des indices propres au texte lui-même, était de la « prose poétique ». Selon lui, ce récit relève d’une construction savante où les jours de création se font écho deux par deux. Ce mathématicien et bibliste a ensuite inscrit Genèse 1 dans les récits de création du monde antique, notamment ceux de la culture mésopotamienne, mais aussi ceux de l’Egypte. A l’aide de représentations picturales égyptiennes suggestives, il a montré la « révolution copernicienne » apportée par le récit biblique : un texte « littéraire » à ne pas comprendre de manière littérale, et qui souligne que « Dieu ne fait pas partie du monde et qu’il a tout créé de manière ordonnée. »
Le biologiste Pascal Touzet a ensuite donné une conférence sur « Les preuves et les questions ouvertes de la théorie de l’évolution ». Ce maître de conférences à l’Ecole polytechnique universitaire de Lille a présenté le consensus scientifique du moment en soulignant que le mot « théorie » n’avait pas le même sens dans le monde scientifique et dans le langage courant. Dans ce dernier, il évoque une opinion, alors qu’en milieu scientifique, c’est un « ensemble d’affirmations cohérentes qui expliquent un grand nombre de réalités ». Pascal Touzet a conclu son intervention en proposant de bien distinguer les champs de l’investigation scientifique et de la foi. « Parce que je crois en Dieu, a-t-il relevé, je discerne son action dans la création. » Pour lui, la théorie de l’évolution biologique souligne que le temps fait partie de notre humanité. « Et cela devrait nous pousser à reconsidérer la manière dont Dieu agit dans la création », a-t-il encore ajouté.

Des évangéliques décrispés par rapport à Darwin
Sébastien Fath, sociologue du protestantisme évangélique, a ensuite fait état de la fascination que le créationnisme suscitait dans les médias francophones. Notamment l’ouverture le 28 mai 2007 d’un Musée du créationnisme dans le Kentucky, aux Etats-Unis. Le chercheur au CNRS a ensuite focalisé sa présentation sur le terrain français, en montrant qu’à la fin du XIXe siècle les idées de Charles Darwin avaient été accueillies favorablement par des évangéliques de l’Hexagone comme Aimé Cadot. Ce pasteur baptiste témoigne dans l’un de ses livres d’un profond respect pour le discours scientifique et se refuse à interpréter littéralement les récits bibliques de création. Il témoigne de la conviction fondamentale que « le discours scientifique ne peut qu’être en accord avec la Parole de Dieu ».
Selon Sébastien Fath, un durcissement des fronts intervient à partir de 1950 et de l’influence de plus en plus forte du baptisme américain en France. « Les états majors missionnaires américains, relève le sociologue, se résolvent à rechristianiser l’Europe et réactivent l’anti-darwinisme qui a vu le jour dans les années 20 aux Etats-Unis, en prônant un créationnisme strict. » Au cours des années 70 et 80, deux livres viennent apaiser le débat : celui du théologien Henri Blocher « Révélation des origines » (1979 pour la première édition et 1989 pour la deuxième) et celui du professeur de sciences Jean Humbert « création-évolution. Faut-il trancher ? » (1989). Tous deux qualifient le créationnisme « jeune terre » d’anti-scientifique ».
Aujourd’hui, on assiste à une repolarisation du débat. Pour trois raisons selon le sociologue du CNRS : l’essor du « charismatisme de la troisième vague » qui embouche volontiers la trompette créationniste, l’impact du mouvement du « Dessein intelligent » et l’engouement en ultra-modernité pour la critique des « grands récits », y compris l’explication scientifique du monde. Sébastien Fath constate en final que les évangéliques français ont fait preuve de modération dans ce débat. Ils n’ont jamais fait de la lecture littérale de la Genèse un « invariant identitaire » en l’inscrivant par exemple dans une confession de foi.

Bien poser le débat !
En fin de journée, Henri Blocher a traité de la question : « L’évolution favorise-t-elle l’athéisme ? » Le professeur émérite de théologie au Wheaton College (Etats-Unis) a d’abord rappelé qu’il fallait distinguer entre la théorie de l’évolution et l’évolutionnisme. La théorie de l’évolution n’est pas un principe explicatif de l’ensemble du réel. Elle décrit nullement l’origine de la vie, mais la diversification des espèces. Le théologien évangélique a aussi souligné que dans ce débat la preuve incontestable de l’existence de Dieu ou de sa non-existence était « hors de portée » ! « Nos conclusions sont de l’ordre des probabilités ou de la plausibilité. Il est donc utile de recourir à une logique tendancielle, qui indique des orientations ou des affinités, mais en sachant que le vrai peut faire exception ! »
Henri Blocher a ensuite admis que, de fait, la diffusion de la théorie de l’évolution favorisait chez nombre de contemporains l’athéisme, de la même manière que la théorie du big-bang le défavorisait et pouvait ouvrir à la confession d’un Dieu créateur. Le théologien a fait part ensuite de son étonnement devant la virulence de certains médias français dans leur utilisation de la théorie de l’évolution pour attaquer des convictions théistes, alors que de grands savants évolutionnistes font part de leurs convictions chrétiennes : feu le généticien Jérôme Lejeune en France ou R. J. Sam Berry outre-Manche, notamment. L’ancien professeur à la Faculté de théologie de Vaux-sur-Seine a aussi relevé que Charles Darwin lui-même n’avait pas fait profession d’athéisme, et qu’il avait même ajouté une référence au souffle du Créateur dans l’une des éditions subséquentes de son fameux « L’Origine des espèces ».

Des « convenances » remarquables
Dans la seconde partie de sa conférence, Henri Blocher a abordé la question du lien entre évolution et athéisme d’un point de vue plus philosophique. Il a constaté que de droit certaines apparences pouvaient être défavorables à la foi chrétienne. « Pour beaucoup. a-t-il constaté, création et évolution s’opposent. Mais la réplique est possible : les deux concepts ne sont pas de même niveau ! Dieu peut tout à fait oeuvrer par des causes secondes. A certains égards, la théorie de l’évolution est davantage chrétienne, parce qu’elle implique la présence immanente de Dieu au coeur de la création. »
Le théologien évangélique a aussi relevé que la théorie de l’évolution ne parvenait pas à expliquer la connivence entre notre intelligence humaine et l’intelligibilité du monde. « Comment se fait-il que les mathématiques puissent être un outil pour saisir le réel ? a-t-il lancé. Il y a là quelque chose d’admirable qui ne s’explique pas sans un Dieu créateur. »
Henri Blocher a terminé son exposé en relevant trois « convenances » qu’il importait de noter entre évolution et foi chrétienne. Tout d’abord le fait qu’une création évolutive met en avant une solidarité plus grande entre les créatures. L’unité entre le créé n’est donc pas artificielle. Par conséquent, le créé dispose d’une consistance propre devant Dieu et se pose en vis-à-vis, en véritable partenaire d’alliance pour Dieu. En final, il y a aussi accord autour du rôle essentiel du temps entre le donné biblique et la théorie de l’évolution. « Selon le récit de Genèse 1, la création se déploie dans le temps. Et c’est un caractère unique du Dieu biblique d’être le Dieu de l’histoire. Il y a donc là une convenance remarquable entre la théorie de l’évolution et le Dieu biblique ! »

Serge Carrel

Le site du Réseau des scientifiques évangéliques avec les interventions à écouter comme si vous y étiez!

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