Le premier tableau de l'exposition, intitulé « Amsterdam pleure », plonge le visiteur au cœur de l'histoire. Il représente un plan de la ville d'Amsterdam, constellé d'une multitude de carrés rouges. Chacun d'eux représente dix juifs déportés dans des camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale. La toile montre une ville dont le cœur a été en quelque sorte arraché. C'est ainsi que le visiteur prend contact avec l’œuvre de l'artiste Jip Wijngaarden, née à Amsterdam en 1964, exposée au Musée Gutenberg de Fribourg jusqu'au 21 août 2016.
Bouleversée par Anne Frank
Au début des années 70 Jip Wijngaarden a découvert dans sa maison familiale un exemplaire usagé de l’une des premières éditions du Journal d'Anne Frank. Celui-ci est devenu son livre de chevet. « Il est devenu ma 'petite bible', précise l'artiste. Un trésor précieux déposé sur mes genoux par un Etre bien supérieur à moi. »
Depuis son enfance, Jip Wijngaarden a eu la passion du dessin. Elle a commencé des études à l'Académie des beaux-arts Nimento à Utrecht. Elle a également joué le rôle d'Anne Frank au théâtre, puis dans un téléfilm produit en 1985. « Je me suis sentie comme prédestinée, se souvient l'artiste. J'ai interprété ce personnage avec le sentiment que les six millions de juifs exterminés durant la guerre me demandaient de leur donner une voix. » Cette expérience lui a même donné l'occasion d'expérimenter l'antisémitisme : des gens lui ont craché à la figure en la traitant de « sale juive ».
Par la suite, deux rencontres ont bouleversé sa vie. D'abord, celle de son mari qui venait de devenir chrétien. Ensuite celle de Jésus-Christ qu'elle a reconnu et reçu comme Messie.
De la déportation à la Jérusalem céleste
Le deuxième tableau est intitulé « Shofar ». Il représente un prophète qui sonne l'alarme, des personnes devant une voie de chemin de fer et, à l'arrière-plan, un village avec son église. Tous les volets sont fermés. Jip Wijngaarden s'est inspirée d'un texte des Proverbes : « Délivre ceux que l'on entraîne à la mort et sauve ceux qui vont, chancelants, au supplice. Car si tu dis : 'Je ne le savais pas', celui qui sait ce qui se passe au fond des cœurs, ne discerne-t-il pas, lui ? Oui, celui qui protège ta vie le sait, et il rendra à chacun selon ses actes » (Pr 24.11-12).
L'exposition conduit le visiteur dans une méditation entre souffrance, détresse et espérance. Aux tableaux qui représentent la catastrophe – la Shoah – succèdent des œuvres plus lumineuses, aux couleurs plus vives. Le visiteur y rencontre plusieurs personnages de la Bible : Job, Abraham, Esher, Ruth et Naomi, Saul (Paul) et, bien sûr, le Crucifié.
Un tableau intitulé « Tav » est fascinant. Tav, la dernière lettre de l'alphabet hébreu, est écrite sur le front de personnes brisées par des péchés. Cette toile illustre un texte d'Ezéchiel : « Passe au milieu de la ville, au milieu de Jérusalem, et fais une marque sur le front des hommes qui gémissent et se lamentent à cause de toutes les horreurs qui s'y commettent ! » (Ez 9.4). « Les justes reçoivent un tav sur leur front, explique Jip Wijngaarden. Cela signifie qu’ils pleurent sur les péchés de leur nation. Beaucoup ont prié sans jamais voir la justice. Mais leurs prières vont être exaucées au-delà de la terre. Le tav montre aussi que nous appartenons à Dieu et que nos noms sont inscrits dans le livre de Vie ».
A la découverte de nos racines
L'exposition « Peindre comme une prière » de Jip Wijngaarden est un voyage au cœur des origines juives du christianisme. Loin d’un sionisme politique, elle permet de voyager de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste. Le chemin est fait de souffrances, mais aussi de la victoire remportée par Jésus le Messie. L'exposition propose une véritable méditation de la Parole de Dieu qui sort des sentiers battus et conduit à la prière.
Norbert Valley