Dans notre quotidien, il est des collisions d’expériences qui donnent à réfléchir sur notre pratique. La semaine dernière, j’étais l’un des animateurs du Séminaire de formation des radios évangéliques d'Afrique francophone à Lomé au Togo, un rassemblement de plus d’une centaine de personnes à l’instigation de Radio Réveil à Bevaix (NE). L’occasion de rencontrer des journalistes, des animateurs et des techniciens de la centaine de radios qui se définissent comme évangéliques en Afrique francophone. Dimanche soir dernier, RTS Religion marquait sur les ondes de La Première à 19h les 20 ans de Hautes Fréquences, l’émission-phare de l’équipe des émissions religieuses de la radio de service public.
En Afrique francophone comme en Suisse, quelle présence ?
Dans les deux situations, l’occasion de s’interroger sur la présence dans l’espace public des journalistes évangéliques. En Afrique francophone, les radios confessionnelles évangéliques ont le vent en poupe. Elles font dans leurs programmes une large place à la prédication de l’Evangile, aux reportages concernant les Eglises et à la musique chrétienne. Elles jouent un rôle important à l’intérieur de l’Eglise ou des Eglises, mais aussi dans l’espace public pour encourager l’émergence d’une identité et d’une réflexion communes sur les grandes questions du moment. En Suisse romande, de par l’engagement œcuménique et interreligieux de l’équipe des émissions religieuses et de par la disparition de la légitimité de la voix chrétienne au sein de la société, la posture de RTS Religion flirte davantage avec la sociologie religieuse qu’avec un regard chrétien sur la société. Pour preuve la présence dimanche soir d’un sociologue, Philippe Gonzalez, spécialiste des médias et du religieux, et non d’un théologien chrétien particulièrement affûté sur la manière de positionner la foi chrétienne dans un contexte pluraliste.
Professionnalisme et audace plus que jamais à l’ordre du jour
Dans cette collision d’expériences aux antipodes : une convergence. D’un côté des radios évangéliques africaines qui cherchent à déployer un discours public qui permette de quitter le « tout Eglise » et de rejoindre un maximum d’auditeurs, notamment en limitant « Jésus » à 30 pour cent des programmes et en laissant une place importante aux thématiques de développement, à un Evangile holistique et intégral (voir la Déclaration de Lomé et l’interview d’Alphonse Teyabe). Du côté suisse, des Eglises qui promeuvent – puisque les journalistes sont salariés par les Eglises et les frais de production payés par la RTS – un discours d’analyse du fait religieux à partir de perspectives et de valeurs chrétiennes, un discours légitimé par l’histoire de la Suisse romande et par une société qui cherche à comprendre le religieux, sans développer d’affiliation à une quelconque chapelle.
Dans ces deux contextes bien différents, le journalisme évangélique a sa place. En Afrique francophone comme en Suisse, il demande professionnalisme et audace. Il s’agit de sortir des voies toutes tracées des convictions molles et non articulées, pour chercher et exprimer un regard sur le monde marqué par les valeurs et l’espérance que le Christ fait naître au cœur de nos vies. Dans les deux cas : un véritable « challenge », comme on dit aujourd’hui !