Valéry Gonin : se reconstruire après un meurtre passionnel (avec émission TV)

Camille Kursner jeudi 09 novembre 2017

Valéry Gonin, pasteur, marié à Aline et père de trois enfants, a vécu le pire. Témoin du meurtre passionnel de sa mère par un père dépressif, ce forestier-bûcheron de formation des montagnes neuchâteloises a dû se reconstruire intérieurement. Dans son ouvrage Des racines dans le ciel, il livre un témoignage poignant, qui saura réconforter les cœurs écorchés vifs et ceux qui ont une image déformée de Dieu.

Tout bascule la nuit du 3 juin 1998. Ce soir-là, Francis, le père de Valéry Gonin, tire sur son frère Laurent et tue sa mère Mariette. Il se suicide quelques heures plus tard. Le ciel tombe sur la tête de Valéry. Au poste de police, il doit raconter les faits. Le temps d’un instant, il se rend aux toilettes : « Je lâche deux sanglots et je reviens, visage lavé et essuyé. Je suis de nouveau bien, en tout cas extérieurement. A ce moment, je ne suis plus capable de ressentir. » Ensuite, son autre frère, Yvan, le conduit chez les Ruchti, un couple pastoral des Ponts-de-Martel. Dès lors, Valéry est pris dans le tourbillon qui suit le décès. Il doit gérer, outre ses examens finaux, « les téléphones des gens qui veulent prendre des nouvelles. La préparation des obsèques. Le ballet judiciaire. Les relations aux médias. » Ces derniers veulent mettre ce meurtre sur le compte du sectarisme de certains milieux évangéliques, ce qu’Yvan arrive à éviter.

La sortie du silence et le chemin vers la lumière 

Dans son ouvrage Des racines dans le ciel, Valéry Gonin expose de façon authentique son enfance difficile, sa peur de déranger un père dépressif et sadique, le vécu de ses parents qui mènent une double vie et la religiosité légaliste dans laquelle sa famille évolue. Dans le milieu d’Eglise qu’il fréquente, le couple parental n’ose pas exprimer son déchirement, de peur de subir l’exclusion. Le silence est d’or et personne n’ose le briser. Dès lors, ce petit garçon, vif et intelligent, qui désire devenir forestier, se construit une carapace de protection. Il souffre du sentiment de rejet, d’insécurité et d’un manque de confiance en lui. Dans l’année qui précède le drame, Valéry est invité dans un autre groupe chrétien de la région ; chose qui lui avait été interdite jusqu’alors par ses parents. Il y découvre l’amour et l’accueil. Il rencontre Alain, de dix ans son aîné, qui le prend sous son aile. Puis, il sort du silence et raconte son histoire à Michel Ruchti, le pasteur de l’Église évangélique de la région. Il explique cette « chape infernale à tous les repas... Le père qui dévisse complètement pour tout et n’importe quoi. Ce n’est pas juste un type fatigué qui pique une crise de temps à autre, il est dépressif et sadique, en plus. Il fait régner un climat de terreur. »

Du bien-être extérieur à un bien-être intérieur

Suite à la tragédie familiale, Valéry ne perçoit pas encore la nécessité du pardon. Il ressent toutefois des douleurs physiques. Après un passage à l’hôpital quelques mois après l’événement et le diagnostic du médecin qui confirme la nature psychosomatique de ses maux, il prend conscience de son mal-être intérieur. Se sachant appelé à servir Dieu, Valéry Gonin, accompagné par Michel Ruchti, part suivre un programme de Jeunesse en mission pour six mois au Canada. Cela ne prend pas ! Avant de revenir en Suisse, Valéry suit tout de même un cours nommé Racines et fruits. En plus des visitations divines expérimentées quelques mois plus tôt, il réalise alors la puissance libératrice du pardon. Pour Valéry, ce pardon lui enlève son amertume et lui évite de voir ses parents uniquement au travers du filtre de cette nuit sanglante. Fort de ces expériences, il se forme pour le ministère pastoral à l’IBETO, se marie et tente de recoller les morceaux de son histoire familiale en renouant le contact avec sa parenté.

Le Dieu qui se soucie de notre quotidien

L’expérience décisive qui lui donne d’expérimenter l’amour divin est celle de « la serpe ». Alors qu’il bûcheronne sous une pluie qui lui glace le sang, il perd sa serpe. Il tente de la retrouver. Rien à faire ! Il demande à Dieu s’il sait où elle se trouve. Il reçoit alors une vision : « Je me revois en train de tourner un arbre, la serpe tombe de ma ceinture à ce moment et finit sous les branches. Je retourne sur place et bingo ! » Pour Valéry, il s’agit de « l’événement fondateur qui lui a permis de comprendre d’un point de vue cérébral que Dieu est présent avec lui et cela même dans son quotidien. »

Camille Kursner

Valéry Gonin, Des racines dans le ciel. Pardonner et se reconstruire après un drame familial, Lausanne, Favre, 2017, 143 p. Valéry Gonin est disponible pour témoigner de son vécu dans des groupes ou des Eglises : valery.gonin (at ) gmail.com.

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