Gérard Eschmann et Jean-Pierre Gagnebin sillonnent les routes en tandem depuis qu’ils ont fait connaissance en 1997. Au début, il s’agissait pour Gérard, aveugle depuis l’âge de 30 ans, de pratiquer un sport avec l’aide d’une personne voyante. Mais au fil des années, des entraînements et des courses, l’histoire d’un service rendu est devenue celle d’une amitié.
«Nous avons vécu des défis toujours plus grands en participant à des courses de tandems toujours plus importantes, se souvient Jean-Pierre. Il y a eu une course dans le Beaujolais, puis la «Rominger» en Valais, celle de Courrendlin à Bourg-Saint-Pierre en 2003, sous la canicule, et les grandes virées de Berlin à Zurich, de Mayence à Rome». Ces courses visent à faire connaître la rétinite, la maladie qui a rendu Gérard aveugle.
Une vie chamboulée par la maladie
Gérard Eschmann a 56 ans. Il habite à Courrendlin dans le Jura bernois. Après sa scolarité, il a effectué un apprentissage de menuisier. A 18 ans, il obtient son permis de conduire. C’est à ce moment qu’il a constaté un problème au niveau de sa vue. A 20 ans, il a appris qu’il souffrait de rétinite pigmentaire et qu’il allait devoir renoncer à sa voiture, à son métier, aux rêves que l’on forme à cet âge-là.
«Cela a été un temps très difficile, se souvient Gérard. J’ai eu des moments de profonde révolte». Après le moment pénible du diagnostic est venu celui des tracasseries administratives qui ont accompagné la perte de l’emploi et la constitution d’un dossier pour l’Assurance invalidité (AI). «Il s’agissait d’une situation humiliante», admet Gérard.
Lorsque la perspective d’une autre formation est apparue, Gérard a découvert de nouvelles motivations. «On rencontre d’autres handicapés et cela aide», explique-t-il. Aujourd’hui, il exerce le métier de kinésithérapeute à Delémont. Issu d’une famille ouvrière catholique et croyante, il mesure combien sa foi et son éducation lui permettent de s’accrocher au lieu de se révolter ou de devenir amer.
Gérard pratique le ski en hiver, accompagné d’un guide. Mais il apprécie particulièrement le tandem, un sport très bien adapté pour un aveugle. «J’aime me dépenser dans les vallées du Jura, admet-il. J’aime saisir l’atmosphère des lieux».
Un coup de main qui comble son auteur
Jean-Pierre Gagnebin, 48 ans, est facteur dans la vallée de Tavannes. Marié depuis 18 ans, père de 3 enfants, membre du conseil de l’Eglise évangélique FREE de Tavannes, il a effectué un apprentissage de boulanger-pâtissier avant de découvrir son allergie à la farine. Grand amateur de vélo, il a participé au «Tour du Jura», au «Championnat de Zurich», à la «Wysam 333» entre Orbe et Lyss... en général 15 à 20 courses par années.
Jean-Pierre s’est mis au tandem pour accompagner Gérard... et il y trouve largement son compte. Il confie: «Le vélo, c’est bien, mais solitaire. Le tandem apporte l’effort en équipe, l’entraide et le partage. J’aime beaucoup cela.» Ainsi, Jean-Pierre ne conçoit pas son engagement comme un service, mais comme une amitié partagée. Il précise: «Ce n’est plus une histoire valide-handicapé !»
Claude-Alain Baehler