Le 29 avril, à l’Eglise La Passerelle (Vevey), une soixantaine de personnes exerçant des responsabilités dans leurs Eglises ont pris part à la formation « Des Eglises sécurisées pour petits et grands ». Cette journée constituait une première étape de la mise en œuvre de la Charte du Réseau évangélique suisse (RES) « Ensemble contre les comportements transgressifs », signée par la FREE. Au cours de la journée, la thématique des abus a été abordée sous différents angles, par plusieurs intervenants.
Les Eglises, pas épargnées par les risques d’abus
Psychothérapeute, Sarika Pilet a expliqué les mécanismes de l’abus et mis en lumière les éléments qui font des Eglises des lieux à risque : le biais de l’optimisme (l’amour ne soupçonne pas le mal), l’autorité légitimée, l’effet de groupe ou encore le déni. De son côté, la pasteure Myriam Matthey s’est penchée sur les transgressions dans la Bible et Nathan Petermann a apporté un regard juridique sur la question*.
L’après-midi, des exercices et échanges en petits groupes ont mis les participants à contribution. Après avoir présenté la charte le matin, le directeur du RES Christian Kuhn a poursuivi sur les concepts de gestion de crise et Nirine Jonah (photo), responsable Théologie, Pastorale et Ethique de la FREE a évoqué les travaux en cours pour la mise en application de la charte par la FREE. « Grâce aux divers intervenants, j’ai mieux compris toute l’étendue des abus qui peuvent arriver, notamment dans le cadre des Eglises. Et l’ampleur que ces derniers peuvent prendre », partage Joanna, membre de l’Eglise évangélique L’Oasis (Morges). Ce qui a particulièrement marqué cette étudiante de 23 ans, c’est l’emprise qu’un abuseur peut avoir sur sa victime d’un point de vue psychologique et dans des situations du quotidien.
La peur ou la grâce ?
« Nous sommes responsables de ce que nous disons… et aussi de nos silences ! » Telle est pour Léonard Vullioud la leçon principale de la journée. « Garder le silence face à une transgression relève d’une attitude quasi réflexe imposée par la peur des répercussions », analyse ce psychothérapeute, rattaché à l’Eglise Le Figuier (Tramelan). Et de questionner: comment ma communauté ferait-elle face à la révélation d’un événement abusif, qui s’avère impensable, indicible, inacceptable ? Il rappelle que chaque disciple du Christ est encouragé à mener une vie dictée par la grâce et non par la peur : « Tout en reconnaissant que la peur occupe encore de l’espace en moi, mon chemin se poursuit en priant d’être encore éveillé par la grâce de Dieu, afin de recevoir le courage de dire Stop ! ou Non! le moment venu ».
Bien choisir et former les bénévoles
Membre de l’Eglise évangélique Les Marronniers (Rolle), Sylvie a pris conscience de l’importance, pour les Eglises, d’être conséquentes dans le choix des bénévoles à qui elles confient les enfants et les jeunes. Celle qui a fait partie du Conseil pastoral remarque aussi « qu’avec l’évolution de la société, il arrive parfois que les enfants ou les parents soient plus réactifs ou vindicatifs dans certaines situations lors des activités d’Eglise. Pour les bénévoles, la formation et la communication deviennent des outils importants, voir indispensables pour mener à bien leur service et cela, dans la joie et la bonne humeur ». Elle souligne qu’en plus d’être formés, ils ont besoin d’être encouragés et suivis par les responsables de l’Eglise.
La responsabilité des Eglises
Joanna, Sylvie et Léonard Vullioud en sont sûrs : les Eglises ont leur rôle à jouer dans la prévention et la gestion des abus. « Aucune communauté humaine n’échappe au risque d’abus de pouvoir, d’abus psychologique, d’abus sexuel », relève Léonard Vullioud, ajoutant que tout groupe est responsable de répondre aux besoins de base de l’être humain : la sécurité et l’intégrité. «Une part de la responsabilité des Eglises est d’afficher une tolérance zéro face aux abus et de se donner les moyens concrets d’y parvenir », affirme-t-il.
« Sachant que les Eglises sont un terrain fertile pour les abus, nous devons encore plus nous concentrer sur les attitudes à adopter pour gérer ces situations autant dans la prévention que dans l’accompagnement en cas d’abus », appuie Joanna. Pour protéger petits et grands, Sylvie préconise d’aborder cette question en Eglise sans tabou mais dans la vérité. «L’Eglise doit être un lieu sécurisé pour tous où chacune et chacun doit pouvoir progresser dans l’amour et la justice de Jésus-Christ », conclut-elle.
*D’autres articles reviendront plus en détail sur le contenu de ces conférences sur les abus d’un point de vue psychologique, biblique et juridique.