« Aujourd’hui, nous avons vécu un appel fort à la solidarité et à cet accueil courageux que la Suisse peut proposer aux réfugiés et qu’elle met en place depuis longtemps. » Anne-Catherine Reymond est membre de la communauté Sant’Egidio, un des groupes organisateurs de la manifestation « Osons la solidarité ! », qui s’est tenue le samedi 22 juin devant l’église Saint-Laurent à Lausanne en présence de quelque 300 personnes.
Cette femme vient de terminer la présidence d’une célébration chargée d’émotions. Elle a eu l’occasion, avec un concélébrant, d’évoquer le sort des quelque 2800 personnes mortes ces deux dernières années sur les routes de l’exil, principalement en mer Méditerranée. Des noms ont été prononcés, des évocations de l’exil ont été lues, paroles d’adultes, paroles d’enfants… « Par cette célébration, nous avons souhaité donner un espace à ceux et celles qui ont disparu et qui sont probablement morts sur la route de l’exil et que l’on a oubliés… »
D’abord une heure de silence !
C’est par un cercle du silence d’une heure que la matinée a commencé à 9h30. Une soixantaine de personnes a alors déployé des pancartes et des banderoles où on pouvait lire : « J’étais nu et vous m’avez habillé (Matthieu 25) », « Solidarité avec les réfugiés », « Construisons des ponts, pas des murs ! » « Suisses condamnés pour délit de solidarité… Se taire ? »
A 10h30, plusieurs intervenants ont pris la parole, installés sur les marches de l’église Saint-Laurent, avec en surplomb, contre le mur de la chapelle, une photo du pasteur baptiste noir américain Martin Luther King Jr.
Pour Norbert Valley, « il faut libérer la justice qui est en prison ! »
Le pasteur Norbert Valley, sous le coup d’une condamnation de la justice neuchâteloise pour avoir donné à manger et hébergé un Togolais débouté de l’asile, a lancé qu’il fallait « libérer la justice, quand elle est prisonnière de lois injustes qui condamnent par exemple ceux qui essaient d’aider leur prochain ». Le pasteur de la FREE a surenchéri en affirmant : « Par un tour de passe-passe de la justice, un lit devient un délit ! » Après avoir raconté ce qui lui est arrivé depuis une année et demie, Norbert Valley a souligné qu’il ne se battait pas pour lui-même, mais pour les centaines de personnes qui n’ont pas osé dire non à l’ordonnance pénale qu’elles ont reçue pour avoir prêté secours à des réfugiés. « La Suisse revient à certaines pratiques de la Seconde Guerre mondiale, elle qui a condamné celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont pris soin des réfugiés juifs. L’article 116 de la loi sur les étrangers est indigne de la Constitution fédérale et de la Suisse des bons offices ! Indigne d’Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge et initiateur des Conventions de Genève ! »
« We Shall Overcome » comme chant de ralliement
Noé Sebisaba a ensuite pris la parole pour témoigner de son parcours. « On ne choisit pas d’être réfugié, a-t-il lancé, mais on le devient par nos circonstances de vie. » Ce Burundais d’origine a remercié les Européens de leur accueil dans des temps où sa vie était menacée dans son pays. Il a aussi affirmé qu’avec sa famille il allait contribuer à la construction de l’Europe de demain.
La pasteure réformée Diane Barraud du Point d’appui, un espace multiculturel pour les migrants à Lausanne, a relevé ensuite que la solidarité n’était pas une option, mais qu’elle en appelait au cœur de notre humanité. « Toutes et tous, nous sommes des créatures de Dieu et nous bénéficions d’une dignité semblable ! »
Ces différentes interventions se sont terminées par « We Shall Overcome », un chant emblématique de la lutte des Noirs américains pour les droits civiques dans les années 1960. La manifestation s’est poursuivie dans la chapelle de Saint-Laurent par un temps de prière intitulé « Naufragés de l’espoir ». Cette célébration œcuménique chrétienne a permis de faire mémoire des quelque 36'000 personnes décédées depuis 1990 sur les routes de l’exil vers l’Europe.
Serge Carrel