Le cheveu court, elle a le verbe développé : « Le métier d’aumônier, comme on l’appelait précédemment, te met en face de l’évolution socioreligieuse. C’est-à-dire en face de la population d’aujourd’hui, où 30% des personnes se disent sans confession, soit presque autant que de catholiques romains ! J’ai choisi cette profession par intérêt pour la personne en souffrance et pour faire valoir l’espérance de l’Evangile que j’essaie de vivre et d’incarner ! » Engagée à 50% au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Valérie Compaoré enfile sa blouse blanche à 8h30 et débute ses journées par un moment de recueillement avec ses collègues catholiques et réformés. Puis elle rejoint l’infirmière cheffe du service et les chefs de clinique pour savoir qui pourrait bénéficier d’un accompagnement spirituel.
Voir la beauté cachée…
Sa foi, dit-elle, est quelque chose qui l’habite, non pas un étendard. Ainsi peut-elle rencontrer et considérer avant tout chaque malade comme un sujet « qui doit se réapproprier sa dignité d’être humain, même s’il est défiguré par la maladie ou la vieillesse. » L’accompagnatrice spirituelle a parfois l’impression que les chrétiens imaginent des programmes, des messages et un langage très éloignés des préoccupations de leurs contemporains : « On parle beaucoup de discipulat dans nos communautés. Mais Jésus n’a pas fait que des disciples. Il s’est approché de n’importe qui sans jamais demander une profession de foi préalable. Il n’est pas un Dieu de condition, un Dieu prosélyte. Il n’avait pas non plus la volonté de fonder une église derrière ses actions. » Et cette femme de lire un extrait d’un texte du moine orthodoxe Anthony Bloom qui l’inspire : « A moins de regarder une personne et de voir la beauté en elle, nous ne pouvons l’aider en rien. On n’aide pas une personne en isolant ce qui ne va pas chez elle, ce qui est laid, ce qui est déformé. Le Christ regardait toutes les personnes qu’Il rencontrait, la prostituée, le voleur, et voyait la beauté cachée en eux. C’était peut-être une beauté déformée, abîmée, mais elle était néanmoins beauté, et Il faisait en sorte que cette beauté rejaillisse… » Valérie relève les yeux : « Tout est dit, non ? »
Exigence du Covid-19
Pendant cette période de pandémie, le métier est plus exigeant. « Comment vous dire ? » Valérie Compaoré regarde par la fenêtre, fronce le nez, secoue les souvenirs de ses dernières visites : « J’ai suivi une femme, la cinquantaine, qui a fait une rupture d’anévrisme avec une hémorragie cérébrale. Elle m’a dit avoir le sentiment d’être doublement punie : par la maladie, mais aussi par le fait de devoir la vivre de façon isolée, sans ses proches à ses côtés. Et puis un couple atteint du Covid-19 a été hospitalisé. L’homme est décédé aux soins intensifs, et sa femme n’a pas pu lui dire au revoir. C’est ça, la pandémie ! » Cette grande solitude des patients, Valérie l’entend, l’écoute, la met en mots. Puis essaie de voir au-delà : « Je m’engage à voir la personne avec son histoire, ce qu’elle croit, ce qu’elle espère. Et me risque à vivre avec elle une expérience de foi et de confiance. » Car sa mission consiste pour elle à permettre aux personnes visitées de se redresser, de se réapproprier leur vie, leurs choix.
Gabrielle Desarzens
Valérie Compaoré est payée pour son travail au CHUV par la Fédération évangélique vaudoise (FEV), dont la FREE est partenaire.