La résurrection nourrit la guérison du malheur, selon Elizabeth Félix

lundi 22 août 2005
Pour évoquer l’expérience de résurrection propre au christianisme, de nombreux croyants font appel à la notion de résilience chère à Boris Cyrulnik. Selon eux, la spiritualité chrétienne trouve dans la personne de Jésus un soutien à la guérison du malheur. Mais aussi quelqu’un qui ouvre, par sa manière de gérer ce qui lui arrive, des chemins de guérison ou de résurrection. Parcours autour de cette expérience avec Elizabeth Félix, enfant meurtrie par la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui mère d’un polyhandicapé.

« En relisant mon parcours de vie, je réalise que ce sont les situations extrêmes qui lui ont donné du poids et de l’envergure. » Elizabeth Félix habite la campagne genevoise, un peu en dehors de Jussy. Cette juriste, débordante de vitalité, affiche tout juste 70 printemps. Elle a publié en 2002 aux éditions Labor et Fides son autobiographie : « Cris d’espérance ». Celle qui a passé ces 20 dernières années à accompagner des personnes en fin de vie dans les hôpitaux genevois, déploie dans son livre les deux drames qui ont marqué son existence au fer rouge: la Seconde Guerre mondiale et l’accident qui a fait de son fils un polyhandicapé. Non pour ressasser des souvenirs, mais pour dire que, dans la personne de Jésus-Christ, elle a découvert « l’exemple d’une expérience unique : celle de la résilience ou celle de la guérison du malheur ».

Une enfance mutilée par la guerre
Elizabeth Félix naît en 1933 dans la ville polonaise de Lodz au sud de Varsovie. Elle a 6 ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Son père dirige alors l’un des hôpitaux de cette importante cité. Elizabeth Félix se souvient des colonnes de prisonniers polonais qui marchaient dans les rues de sa ville. « Ces gens étaient fatigués, mal habillés et abattus. Ils avaient l’air d’animaux qu’on emmène à l’abattoir. » Depuis le balcon de la maison familiale, la petite Elizabeth regardait la guerre. Sans comprendre.
De cette période, Elizabeth Félix se rappelle d’une foule d’images-chocs. De ce garçon juif qui s’écroule devant elle sous les balles des soldats allemands. De ces patrouilles militaires qui poursuivaient des passants et les forçaient à monter dans des camions. De ces nuits sans sommeil, passées dans des bunkers froids et humides à l’abri des bombardements…

En Allemagne sous les bombardements
La guerre tourne. En 1945, les Russes sont aux portes de Lodz. Le 17 janvier, la mère d’Elizabeth prend ses 7 enfants « sous le bras » et part en train vers l’ouest. Le père reste sur place, otage des Allemands. C’est alors une traversée de cette Europe centrale ravagée par les tourments de la guerre. Destination : Prague. Mais le train s’arrête à quelque 200 km de Lodz. Le reste du trajet se fera à pied. Puis de Prague, c’est le départ pour Dresde à nouveau en train. Mais à l’approche de la ville, les bombardements redoublent. La famille prend alors à pied la route de Leipzig. « Tout était détruit, se rappelle Elizabeth Félix. On gambadait à travers les ruines et les cratères. C’était presque volcanique ! »
Aujourd’hui, Elizabeth Félix se souvient que, même entre frères et sœurs, on ne parlait pas des scènes d’horreur de la guerre. « Il fallait tout garder pour soi ! C’est le mal dont a souffert cette génération : en se taisant, on se laissait ronger de l’intérieur par les souvenirs d’horreurs et par la souffrance que l’on ressassait constamment ! »

Un accident rend son fils polyhandicapé
En 1957, après des études mouvementées en Suède, en Angleterre et en Allemagne, la juriste Elizabeth Löffler épouse Jean-Pierre Félix. Le jeune couple reprend une exploitation agricole dans le canton de Genève. Une fille, puis deux garçons voient le jour. En 1964, alors qu’Elizabeth est toujours rongée de l’intérieur par les atrocités de la guerre, elle connaît l’autre drame qui bouleverse son existence. Une immense marmite d’eau chaude, préparée pour le bétail, se renverse sur son troisième enfant, Olivier, 3 ans. « Ce fut un moment d’horreur et d’impuissance. Tout ce qui se passa ensuite fut un affreux cauchemar. »
Olivier était brûlé jusqu’aux os. Il saignait de partout. Il dut subir plusieurs interventions chirurgicales. Au cours de l’une d’elles, il fut victime d’une hémorragie cérébrale qui le laissa hémiplégique. « Nous avons lutté 7 ans pour la survie d’Olivier, se rappelle Elizabeth Félix. Il n’y avait humainement aucun espoir, mais c’est un verdict que nous ne pouvions accepter ! »
Aujourd’hui IMC (infirme moteur cérébral), Olivier a plus de 40 ans. Il mène une vie quasi autonome. Il a trouvé une place dans la société, tant du point de vue professionnel que relationnel. « Olivier est un handicapé heureux. C’est un vrai miracle… »

Résilience et résurrection
Pendant toutes ces années de lutte avec ses souvenirs comme avec son présent, Elizabeth Félix a risqué l’espérance. Elle l’a fait en développant une spiritualité où l’identification à la mort et à la résurrection de Jésus joue un rôle essentiel. Selon Elizabeth Félix, Jésus propose une expérience unique : « Jusque dans sa mort, relève-t-elle, il renonce à propager le mal autour de lui ». Et dans sa résurrection, la juriste genevoise discerne la promesse d’un nouveau départ. « Si nous sommes en relation avec le Christ, il y a quelque chose en nous qui est plus fort que le malheur ! Lorsque nous sommes submergés par lui, nous avons ce pouvoir de créativité qui nous permet de nous relever et de connaître la résilience. En fait de goûter malgré tout à la joie de Pâques ! »
Guérir du malheur ne signifie pas alors revenir à l’état initial. « Nous gardons toujours les séquelles de ce qui nous est arrivé, constate-t-elle. Mais oser la résilience, c’est ouvrir devant nous de nouvelles possibilités de vivre. C’est revisiter le gouffre de ses blessures, puis favoriser le pardon et la réconciliation autour de soi. »
Serge Carrel

  • Encadré 1: La résurrection, source de résilience
    Plusieurs livres évoquent les liens entre la résurrection du Christ et la résilience:
    Elizabeth Félix, Cris d’espérance, Genève, Labor et Fides, 2002.
    Stefan Vanistendael, Résilience et spiritualité, Genève, BICE, 2002.
    Daniel Marguerat, Résurrection. Une histoire de vie, Poliez-le-Grand, Ed. du Moulin, 2001.
Publicité
  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

    vendredi 22 septembre 2023
  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

    jeudi 15 juin 2023
  • « Auras-tu été toi ? »

    « Auras-tu été toi ? »

    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022
  • Anaël Bussy, ébéniste, fabrique du matériel pour le culte

    Anaël Bussy, ébéniste, fabrique du matériel pour le culte

    Anaël Bussy vient de démarrer comme ébéniste indépendant à Chevilly, près de La Sarraz. Parmi ses premières réalisations, des plateaux en bois, destinés à la distribution de la Sainte-Cène.

    vendredi 20 mai 2022

eglisesfree.ch

LAFREE.INFO

  • Morges: Beausobre accueillera le groupe Héritage pour un Concert de Noël (et Vevey aussi)

    Ven 22 novembre 2024

    A la veille de Noël, vous avez envie de réentendre les beaux classiques de Noël? Ou vous souhaitez faire découvrir le message de la nativité à vos proches, au travers d'un concert de qualité? Alors il est temps de prendre votre billet pour le concert du groupe canadien Héritage, qui aura lieu le 20 décembre à Morges et le 22 décembre à Vevey.

  • One'24: 3200 participants équipés pour être des influenceurs en restant authentiques

    Ven 22 novembre 2024

    La 8ème édition de One’ a attiré 3200 visiteurs samedi 16 novembre à l'Espace Gruyère, à Bulle. Un événement organisé grâce à la collaboration de plusieurs Églises et œuvres chrétiennes en Suisse romande. Le thème de cette journée : influencé/influenceur, dans un monde en quête de repères.

  • Un calendrier de l’Avent pour les enfants

    Ven 22 novembre 2024

    Durant le mois de décembre, la Ligue pour la lecture de la Bible propose un calendrier de l’Avent (https://calendrier.ligue.ch) destiné aux enfants de 7 à 12 ans, mais qu’il est possible de découvrir en famille.

  • De belles initiatives en faveur des migrants

    Ven 15 novembre 2024

    Dans les Églises évangéliques FREE d’Échallens, Bienne et Crissier, la présence de migrants a été vue comme une occasion, donnée par Dieu, de manifester son amour. L’entraide a pris des formes différentes, en fonction des situations locales. Ce sont trois exemples parmi beaucoup d’autres, parmi les communautés membres de la FREE. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Églises évangéliques.]

Instagram

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !