« L'attitude à adopter vis à vis de l'homosexualité et des homosexuels est sans doute un des défis majeurs auxquels l'Eglise d'aujourd'hui est confrontée. » C'est ainsi que s'ouvre Homosexuel, mon prochain. Une approche pastorale évangélique, un document collectif publié par les éditions baptistes françaises Croire publications.
Différents auteurs s'expriment tour à tour, notamment : Evert Van de Poll, pasteur baptiste, Louis Schweitzer, professeur d'éthique à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, Luc Olekhnovitch, pasteur libriste et président de la Commission d'éthique protestante évangélique, Gilles Boucomont, pasteur de l'Eglise protestante unie dans la paroisse du Marais à Paris...
« Dix affirmations » qui donnent un cadre
En proposant en final la traduction d'un document intitulé « Dix affirmations », qui résument le consensus d'évangéliques regroupés au sein de l'Alliance évangélique britannique, Homosexuel, mon prochain précise clairement le cadre dans lequel s'inscrit sa réflexion. D'un côté, il y a l'affirmation que tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu. Donc que l'homosexualité n'est pas un péché plus important qu'un autre ! De l'autre le rappel, à partir du donné biblique, que le mariage est « la seule forme de partenariat approuvée par Dieu pour les relations sexuelles et que la pratique sexuelle homo-érotique est incompatible avec sa volonté telle qu'elle est révélée dans les Ecritures » (p. 151).
Entre ces deux balises, classiques en milieu évangélique, les différents contributeurs nous invitent à être conscients que la réflexion sur un tel sujet touche des personnes dignes de respect et qui ont leur place dans nos Eglises. Que, contrairement à ce que pourrait laisser entendre un certain martellement médiatique, la problématique homosexuelle concerne directement entre 0,3 et 3 pour-cent de la population (une statistique britannique), qu'il y aurait cinq catégories différentes d'homosexualité : de la personne attirée par des pratiques homosexuelles à la personne pour qui la relation homosexuelle est centrale, intime et « définissante » pour son identité.
Une interprétation respectueuse de la parole apostolique
Dans sa contribution intitulée « L'Eglise et l'homosexualité », Louis Schweitzer relève que les textes bibliques sur l'homosexualité sont peu nombreux, mais que « ceux de l'Ancien Testament expriment une condamnation sans équivoque de toute pratique homosexuelle ». Du côté des épîtres du Nouveau Testament, on retrouve le même regard (Ro 1.18-32 ; 1Co 6.9-10 et 1Tm 1.8-11). Face au propos de ces textes, il existe pour l'éthicien français deux attitudes : « Soit, et c'est le choix de bon nombre de théologiens, on les considère comme étant le reflet des préjugés de l'époque, Paul n'ayant pas pris en compte la révolution éthique instaurée par Jésus ; soit on reconnaît, malgré les difficultés que cela peut susciter, l'autorité de la parole apostolique et on accepte que ces textes, qui appartiennent à la révélation, nous donnent, d'une certaine façon, le 'regard de Dieu' sur cette question » (p. 98).
Pour Louis Schweitzer, cette dernière manière de comprendre le texte biblique est défendue par la plupart des Eglises, et largement par les communautés évangéliques. Bien loin de considérer qu'en défendant une telle position tout soit dit, l'éthicien français invite à apporter une attention particulière à la personne homosexuelle, à considérer que la voie de la « guérison » de l'homosexuel est loin d'être une autoroute. Souvent, il faudra plutôt inviter la personne homosexuelle à accepter sa situation et à vivre dans la chasteté.
Oui aux pasteurs homophiles !
Louis Schweitzer termine sa contribution en invitant les Eglises, « communautés de pécheurs repentis qui cherchent à suivre leur Seigneur », à considérer que rien n'empêche un homophile d'accéder aux divers ministères dans l'Eglise, y compris le ministère pastoral, « lorsqu'un équilibre nouveau est trouvé et cela même si la personne garde son orientation fondamentale mais est décidée à la vivre dans la chasteté et la confiance en Dieu » (p. 105).
Le pasteur réformé Gilles Boucomont dont la paroisse du Marais à Paris côtoie de près la communauté homosexuelle contribue aussi à ce dossier. Il plaide pour que l'Eglise locale soit un havre de paix pour les homosexuels. Convaincu qu'il faut parler de l'homosexualité comme d'un péché, il aimerait que toutes les communautés chrétiennes soient « des lieux de sécurité spirituelle mais aussi émotionnelle pour que les pécheurs y ressentent la Grâce, et apprennent à en tirer tous les bénéfices dans chaque domaine de leur vie » (p. 115). Ce qui importe pour ce pasteur dont la paroisse est connue pour son dynamisme, c'est que les chrétiens soient « préoccupés par la sortie d'une idolâtrie qui menace tout humain et tout croyant ».
Un propos en rupture avec l'air du temps !
Après l'adoption cette année en France de la loi Taubira sur le « mariage pour tous », des pasteurs et des théologiens évangéliques français osent réaffirmer le fait que la Bible n'est en rien favorable à l'homosexualité et que les couples partenariés de même sexe ne s'inscrivent pas dans les projets de Dieu pour l'humanité. Tout en développant cette position, ils ne ménagent pas les Eglises. Ils les invitent à ouvrir leurs portes et à accueillir les personnes homosexuelles, en partageant avec elles le fait que le Dieu de Jésus-Christ fait grâce à tous, parce que tous ont péché. « En bref, l'essentiel n'est pas que les homosexuels se mettent à vivre comme des hétérosexuels, mais que chacun se tourne en vérité vers Dieu » (p. 147).
Serge Carrel
Evert Van de Poll (dir.), Homosexuel, mon prochain. Une approche pastorale évangélique, Cahier de l'Ecole pastorale, Hors série no 15, Paris, Croire publications, 2013, 160 p. Prix : 12€. A commander ici.